ROLAND ET SOTHEAN AU CAMBODGE
"ROLAND ET SOTHEAN AU CAMBODGE" / Texte et hotos de Marcel Georges : ill. Devaux Ed. Dargaud, 1970
Le jour où le papa de Roland fut nommé pilote de ligne, ce fut un grand évènement pour notre petit ami. En effet, comme vous devez le savoir, les enfants des pilotes peuvent facilement voyager dans le monde entier.
Dès qu'il l'apprit, Roland courut annoncer la nouvelle à Monsieur Vongs, son voisin, un vieux monsieur cambodgien qu'il aime bien, qui lui raconte souvent des contes extraordinaires sur son merveilleux pays.
- Le Cambodge sera le premier pays que je visiterai, Papa est d'accord, je pars dans deux jours pour les vacances de Noël...
- Si tu vas dans mon pays, répondit le vieillard, alors je t'en prie, rends-moi un service : trouve mon fils Sinara et remets-lui cette statuette léguée par nos ancêtres car, maintenant, je suis vieux, et il est important qu'il la détienne après ma mort...
Roland nota soigneusement l'adresse, arrangea la statuette dans une petite valise et promit de faire la commission.
Toute la soirée, Roland prépara son voyage avec application. Il repéra sur la carte toutes les escales que devait faire son avion.
En partant d'Europe à onze heures du matin, il devrait arriver la nuit suivante, à quatre heures, à Phnom-penh, la capitale du Cambodge.
- On arrive en pleine nuit, alors? demanda Roland à son père.
- Non, car au Cambodge, le soleil se lève six heures plus tôt qu'en France. Il fera jour et il sera dix heures du matin!
- Oh là là, j'aurais encore sommeil!
Bien entendu, les prévisions de Roland étaient justes : il dormait d'un sommeil profond quand l'hôtesse vient le réveiller. Il se précipita vers le hublot de l'avion et commença à distinguer des forêts, des fleuves puis beaucoup de villages de paillotes, plantés au milieu des rizières que le soleil faisiat miroiter.
Le gros "Boeing" se posa sur la piste ; Roland était au Cambodge!
La première surprise de notre petit voyageur fut cette bouffée de chaleur qui pénétra dans la carlingue quand on ouvrit la porte.
Transpirant, il se débarrassa bien vite de sa veste d'hiver qu'il rangea dans ses bagages, puis, très à l'aise, il descendit de l'échelle.
Roland vit tout de suite sa famille d'accueil : une jeune femme vêtue d'une longue jupe multicolore, un petit garçon et une petite fille qui semblaient aussi curieux et aussi émus que lui.
On fit connaissance : le petit garçon s'appelait Sothean et sa soeur Neatha. Leur papa était absent : il pilotait un "jet" vers Hong-Kong.
L'aérogare était envahie de touristes, mais, aidé par ses hôtes cambodgiens, Roland trouva rapidement le guichet où il devait présenter son passeport.
Tout en accomplissant cette formalité, Roland dut retracer toutes les péripéties de son beau voyage à Sothean et Neatha.
- As-tu apporté de la neige? Tu sais, je n'en ai encore jamais vu!
Sothean éclata de rire devant l'ignorance de sa soeur :
- La neige, ce n'est pas comme du coton que l'on met sur les arbres de Noël, ça fond!
Naturellement Sothean et Roland devinrent les meilleurs amis du monde ; ils avaient tellement de choses à se raconter...
Sothean fit visiter sa maison à son hôte ; il lui montra ses livres de classe.
- Mais, ces livres de sciences et de maths, ce sont les mêmes que les miens! constata Roland étonné.
- C'est drôle, alors, on est en 6ème tous les deux!... Moi je suis fort en géographie...
- Et moi en français...
- Dis Roland, c'est formidable, tu vas pouvoir m'aider!
Fraternellement, Roland partagea les devoirs de Sotheanqui, lui, devait aller en classe pendant une semaine.
Souvent, Roland allait le chercher à la sortie su lycée et ils rentraient, tout en gambadant, le long des berges du Grand Fleuve.
Un matin, Roland dit à son ami cambodgien :
- Tu sais, j'ai une mission à accomplir : il faut que je retrouve monsieur Sinara pour lui remettre le bouddha en or que j'ai mis dans ma valise beige... Roland alla chercher la valise. Il fouilla partout mais en vain : elle avait disparu. Consternés, nos amis réfléchirent.
- J'ai trouvé! s'exclama Sothean, à l'aéroport, tu l'as laissée près des bagages des touristes de l'hôtel Monorom. Ils ont dû l'emporter avec eux... Allons les voir.
En arrivant à cet hôtel, Roland et Sothean examinèrent avec soin les touristes présents, mais d'après le portier, ceux qu'ils recherchaient étaient déjà partis en excursion à la mer, à Kep.
- Viens, dit Sothean, on va prendre le train, on y arrivera plus vite.. Un taxibus les transporta à la gare où leur train allait partir.
Arrivés sur la plage de Kep, nos petits détectives demandèrent à des enfants où étaient les touristes.
- Après leur bain, répondirent-ils, ils sont partis plus loin, vers la montagne sacée...
Sothean ne voulait pas y aller car la légende disait que les enfants qui s'aventuraient dans cette montagne n'en revenaient jamais.
- Il n'y a pas de danger, dit Roland, puisque les touristes y vont bien! Roland tenait absolument à retrouver la valse et surtout, la statuette qu'elle contenait.
- Bon, allons-y, mais moi, j'ai peur! Ils firent donc le tour d'un petit lac et se retrouvèrent au pied de la montagne. Prudemment, nos deux compagnons s'engagèrent dans une espèce de col, mais la végétation devenant très dense, ils se perdirent. Ils voulurent alors grimper sur un arbre d'une fabuleuse hauteur, mais son tronc, sans branches, était aussi lisse qu'une colonne de marbre.
- Tu vois Roland, on aurait jamais dû venir ici! s'écria Sothean, dont la peur grandissait au fur et à mesure.
Au pied de l'arbre s'ouvrait une large grotte. Roland et Sothean y découvrirent un gros bouddha couché qui les regardait e semblant se moquer d'eux. Sans perdre courage, dans un grand silence, ils commencèrent à explorer la grotte. Ils s'y aventurèrent de plus en plus profondément jusqu'au moment... où ils ne surent plus comment en sortir...
Roland sentit un courant d'air venant du fond ; il décida Sothean à continuer. Le tunnel rétrecissait au fur et à mesure qu'ils avançaient, puis, il s'élargit à nouveau : nos amis reprirent espoir.
Soudain après un tournant, ils virent le jour. Ils coururent et débouchèrent au flanc de la montagne... Ils étaient sauvés!
Nos petits rescapés rencontrèrent deux garçons qui voulurent bien les guider jusqu'au village le plus proche : le "village à la porte bleue". Là, ils prirent un vieil autocar qui les ramena à Phnom-penh.
Roland désespérait de retrouver sa statuette : Sothean, lui, avait confiance : son grand-père lui avit dit : "trouve le bonze blanc et interroge-le.... Il sait tout!"...
Sothean conduisit Roland aux bonzes blancs qu'il connaissait, mais ils ne répondirent pas... car ils étaient en pierre!
Sothean retourna voir son grand-père : "Aie confiance, lui dit ce dernier, va donc demander au petit génie Malin, près du grand Phnom..."
Le petit Génie Malin ne répondit pas davantage, mais, en souriant, il regardait fixement le pied d'un arbre. Nos amis suivirent son regard et ils virent... le bonze blanc, le vrai, qui semblait les attendre.
Consulté, le bonze blanc, qui était muet, écrivit sur une ardoise une phrase curieuse en cambodgien, que Sothean lut à demi-voix :
"Vous monterez le grand oiseau qui vous emportera vers les singes. Alors, là, vous trouverez ce que vous cherchez.."
UN VILLAGE CAMBODGIEN : (1-2) Pagodes et temples bouddhistes. (3) Rizières. (4) Labour de la rizière. (5)Forge en bambous creux. (6) Fabrication d'une natte. (7) Boxe cambodgienne qui rappelle notre boxe française. (8) Jeune jouant du "gares". (9) La "coupe" de cheveux classique des jeunes. (10) Tissage d'une pièce d'étoffe. (11) Le forgeron avec sa production. (12) Buveur de vin de palme. (13) Habitation classique sur pilotis (contre inondations et serpents). (14) Récolte de sucre de palme. (15) Femmes travaillant le grain. (16) Moyen de transport rustique : l'éléphant. (17) Bonze enseigant des novices (chelas) du haut d'un pupitre à l'image du cheval légendaire du Bouddha. (18) Récolte de caoutchouc. (19) Une fileuse de soie. (20) Le "concurrent" du bonze : le sorcier du village.
Le premier réflexe de Sothean fut d'enmener Roland vers le seul grand oiseau qu'il connaissait dans la région : l'oiseau Hansa, celui qui, d'après la légende khmère, emportait souvent le dieu Brahma dans les cieux.
- Montons sur son dos! dit Sothean, en escaladant ses pattes.
Roland se demandait bien si Sothean n'était pas devenu un peu fou de croire que cette statue allait s'envoler en les enmenant tous les deux. Mais il grimpa aussi pour lui faire plaisir. Debout sur l'échine de la bête, Sothean réfléchissait à la signification de la phrase du bonze, quand, tout à coup, il aperçut, du haut de son observatoire improvisé, le Singe Blanc - celui qui, toujours d'après la légende, représente le Bien - se battait avec le Singe Noir - celui qui représente le mal.
Ils coururent vers eux pour essayer de découvrir la solution indiquée par le bonze blanc, mais les deux singes étaient eux aussi de pierre, et ils ne purent guère leur être utiles. Il fallait trouver autre chose...
Sothean et Roland continuèrent à réfléchir. Roland eut une idée, il interroge son ami :
- Et si ton oiseau était tout simplement un avion?... N'y a t-il pas un avion au Cambodge qui vole vers un endroit habité par les singes?
- Si bien sûr, répondit Sothean, l'avion qui va à Angkhor : autour des six cents temples, on trouve beaucoup de singes...
- Eh bien, c'est là qu'il faut aller!
Dès le lendemain, le père de Sothean, revenu de Hong-Kong, les fit monter dans l'avion qu'il allait piloter jusqu'à Angkhor.
En arrivant à l'endroit où logent habituellement les touristes, près du plus grand des temples, nos petits voyageurs crièrent au miracle : un singe impertinent se sauva devant eux en emportant?... la valise de Roland!
- Attrapons-le, s'écria Sothean.
Ils s'élancèrent aussitôt à la poursuite de l'animal qui les narguait.
Le chimpanzé trouva d'abord un malin plaisir à jouer à cache-cache avec ses poursuivants, en se dissimulant derrière une file de démons géants. Il grimpa ensuite sur un curieux petit monument, aux sculptures splendides, qui était une bibliothèque du temps des Croisades.
Puis il sauta sur le sol et rejoignit ses compères. Poursuivis par Roland et Sothean, les singes se réfugièrent sur l' "ilot des serpents enroulés", après avoir contourné le "Cheval aux naufragés", qui représente un cheval géant ramenant des naufragés sur l'ilot.
Mais Roland et Sothean n'étaient pas au bout de leurs peines. Les singes, trouvant cette course très amusante, commencèrent à grimper tout en haut d'un grand escalier à la pente très raide. Quand nos amis, très essoufflés, approchèrent du sommet, la bande redescendit à toute vitesse avant qu'ils ne puissent réagir. Les bonzes aussi semblaient s'amuser de l'aventure. Un singe s'empara soudain de la valise et se réfugia sur un arbre "frommager".
Un "frommager" est un arbre dont les racines courent sur le sol comme des gros serpents et coulent sur la pierre des monuments comme de la crème de gruyère.
Roland voulut y grimper mais, changeant d'idée, le grand singe sauta sur le toit d'un monument assez bas, et, fatigué de faire courir nos amis, il y abandonna la valise avant de disparaitre dans le feuillage. Ni Roland ni Sothean n'osèrent escalader les pierres empilées dans un équilibre qui semblait instable.
Heureusement, un cornac, qui passait par là, juché sur le dos de son éléphant, leur offrit son aide. Il ordonna à l'éléphant d'attraper la valise avec sa trompe.
L'éléphant s'en saisit et la déposa délicatement dans les bras de Roland.
- Vite s'écria Sothean, regarde si la statuette y est toujours.
Roland s'agenouilla, prit la clé accrochée à son cou et ouvrit le couvercle avec précaution : le bouddha d'or apparut, couché soigneusement dans son berceau de velours rouge.
Roland et Sothean se réjouirent du dénouement de cette longue course au trésor. Dans leur joie, ils grimpèrent même sur deux méchants dragons pour faire la course... Les gros stupides!
Au retour, un cornac voulut bien les emmener. Mais faire de l'éléphant-stop n'est pas facile pour des petits enfants car les places assises sont suspendues bien haut!
Roland et Sothean durent monter sur la branche d'un arbre pour prendre place sur le dos du gros pachyderme.
En attendant que le papa de Sothean revienne de Phnom-pehn, le lendemain matin, nos deux amis passèrent la soirée au village des touristes.
A la nuit tombante, installés sur le bord de la piscine de roi Jayavarman VII, qui mesure huit cents mètres de long sur quatre cents mètres de large, ils parlèrent pendant de longues heures.
- Finalement, dit Roland à son petit compagnon, il ne nous reste plus qu'à retrouver Sinara avant mon départ pour l'Europe...
- Ne t'inquiète pas, répondit Sothean, dès demain, nous partirons à sa recherche...
Et nos amis allèrent prendre un repos bien gagné.