CUOI LE GARCON DANS LA LUNE
"CUOI LE GARCON DANS LA LUNE" texte et ill. Nguyen-Nga Ed. L'Harmattan (contes des quatre vents), 1983
Cuôi est un garçon intelligent et malicieux, mais bien connu pour ses mensonges et ses mauvais tours.
Un jour, un riche paysan du village l'appelle : - Tu vois, je suis assis sur ce divan. Si tu parviens à me déplacer jusqu'à la porte, je te donnes cinq pièces d'or. L'air embarrassé, Cuôi lui répond : - Vous êtes bien installé sur ce divan et, en plus, vous êtes sur vos gardes, comment pourais-je vous déplacer? Pourquoi n'essayez-vous pas plutôt de vous installer près de la porte? Je vous ferais venir ici. Croyant le défier, le paysan va à la porte. Et Cuôi frappe dans ses mains : - Eh bien! Vous voici à la porte! Donnez-moi cinq pièces d'or. Une fois encore il a réussi son tour.
Cuôi prend un malin plaisir à se moquer des gens. Il ne ménage personne, pas même son oncle et sa tante qui l'élèvent depuis la mort de ses parents. Un matin, Cuôi travaille au champ avec son oncle. Il fait une chaleur intolérable. L'oncle, qui a très soif, demande à Cuôi d'aller chercher de l'eau. En courant vers la ferme, Cuôi imagine une nouvelle farce. L'air affolé, il crie à sa tante : - Ma tante! Allez vite retrouver mon oncle, un buffle lui a transpercé le ventre. La tante, blême de peur, se précipite vers le champ. Pendant ce temps, par un raccourci, Cuôi rejoint son oncle et lui annonce en tremblotant : - Oh mon oncle! Ma tante est tombée de l'échelle, elle en est morte. L'oncle court aussi vite qu'il peut et, au détour du chemin, se heurte violemment à sa femme venant en sens inverse. Ebahis, ils se regardent et comprennent aussitôt qu'ils sont, une fois de encore, victimes d'un mauvais tour de Cuôi.
Furieux, ils décident de le punir : ils l'enferment dans un grand panier en osier et l'abandonnent à la lisière du bois. Cuôi essaie en vain de sortir de sa cage lorsqu'il voit passer un aveugle. Tout content, Cuôi lui crie : - Si tu veux recouvrer la vue, approche toi de moi. L'aveugle se dirige à tâtons dans la direction de la voix. Cuôi lui dit à l'oreille : - J'étais aveugle comme toi. Grâce à ce panier magique, j'ai recouvré la vue. Dépêche toi d'ouvrir ce couvercle, et je te laisse tenter ta chance. L'aveugle, plein d'espoir, lui obéit.
Enfin libre... Cuôi n'ose pourtant pas rentrer chez lui. Il va vers la forêt lorsqu'un bruit étrange le surprend. Derrière un buisson, quatre bébés tigres sont en train de jouer. De mauvaise humeur, Cuôi assène à chacun un coup de bâton. Tout à coup, un terible rugissement : la maman tigresse est de retour. Cuôi grimpe vite à un arbre. La tigresse, découvrant la mort de ses petits, rugit de colère, puis s'en va arracher quelques feuilles d'un banian tout proche. Elle les mâche et en couvre ses nourrissons. Miracle! les petits se metent à remuer la queue! Se rendant compte qu'il s'agit d'un arbre magique, Cuôi le déterre et s'en empare.
Arrivé à la lisière du bois, il retrouve l'aveugle toujours enfermé dans le panier. Cuôi mâche quelques feuilles de banian et les applique sur les yeux du vieil homme. Aussitôt, celui-ci recouvre la vue. Cuôi lui raconte son aventure et le vieillard s'écrie : - Ciel! J'ai longtemps entendu parler de cet arbre qui guérit les maladies et redonne la vie aux morts! Quelle chance tu as eue Cuôi! Fais en bon usage. Veille à ce qu'il reçoive de l'eau pure, sinon il s'envolera. Sur ces mots, le vieillard s'en va. L'arbre magique sous le bras, Cuôi longe une rivière, lorsqu'il aperçoit au milieu de l'eau un corps qui flotte. Il le ramène sur la berge : c'est une belle jeune fille qui s'est noyée. Grâce aux feuilles miraculeuses, il réussit à lui rendre la vie. La jeune fille, reconnaissante envers son sauveur, l'épouse. Depis ce jour-là, pour gagner sa vie, Cuôi est bûcheron le matin, et l'après-midi il va de-ci de-là guérir les malades.
Souvent Cuôi répète à sa femme : - Arrose bien notre arbre avec l'eau claire du puits, sinon il s'envolera. Or, connaissant la réputation de menteur de son mari, elle n'y prête aucune attention. Elle se dit ; - Je voudrais bien voir quelle est cette espèce d'arbre qui a des ailes et peut s'envoler tout seul! Puis un jour, en faisant la vaisselle, elle ne trouve rien de mieux à faire que de vider la bassine d'eau sale au pied de l'arbre. Tout à coup, le banian se met à trembler, à se déraciner et à s'élever dans les airs. Cuôi, de retour, voit son arbre précieux prêt à s'envoler : il a juste le temps d'agripper l'une des racines pour le ralentir. Mais l'arbre continue son envol, tout droit vers la lune, avec Cuôi accroché à lui.
Si vous regardez bien la lune quand elle est pleine, vous pourrez distinguer l'ombre de Cuôi au pied de son banian. On dit qu'une fois par an, de ce banian magique, une feuille tombe sur la terre, et que celui qui la ramasse peut défier la mort.