HISTOIRE DE L'ASIE /5

1990-2... L'ASIE DANS L'EDITION JEUNESSE

5/ début des annees 2020

WOKISME ET COMMUNAUTARISME, L'AUTRE VISAGE ASIATIQUE

En ce début des années '20, l'édition n'a jamais eu autant de pression, que ce soit de groupes communautaires ou religieux, mais aussi d'adeptes du wokisme. La France n'échappe pas à ce mouvement : la Young Adult ayant une place importante, tout comme les nombreux auteurs asiatiques américains, donc traduits de l'anglais. Certains sont scandalisés par l'effacement des origines asiatiques sur les couvertures des romans dans l'édition française. Entre coût des photos et design des collections, les éditeurs ont des réponses. Mais l'on sait qu'une couverture non "racisée" permet à bien plus de lecteurs-rices de s'identifier et qu'une héroïne "blanche" fait plus vendre si ce n'est rêver. La différence entre l'édition française et américaine étant aussi que les auteurs américains écrivant pour leur communauté, ont plus de chance d'être édités et lus. L'origine ethnique des auteurs français n'étant pas un critère, l'éditeur ne s'adresse pas à une communauté en particulier. Ce qui pose peut-être plus question est la surveillance qui s'installe jusque dans les groupes de bibliothécaires, comptabilisant la place des personnages non blancs dans les fictions. Allons-nous avoir bientôt des quotas? Devons nous écrire pour une communauté pour avoir plus de lisibilité?

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Un nouvel éditeur en France aborde ces thématiques : 38 lingua -Sylvie Li autrice et éditrice- avec ses deux premiers titres. "Léo et son papi aux supers pouvoirs" raconte une histoire "asiatique" où seuls quelques détails en arrière plan et peut-être quelques légers traits physiques laissent deviner les origines des protagonistes. Deux questions se posent alors : au contraire d'un album comme "Est-ce que tu as faim?" de Grace Ly (éd. on en compte pas pour du beurre) où une petite fille s'intègre dans une classe en valorisant des aspects identitaires (la nourriture), l'album de 38 Lingua n'évoque pas de mixité, d'intégration ou de banalisation, ni de valorisation identitaire. Est-ce cela que l'on appelle la "normalisation"?. Doit-on écrire des histoires communautaires en France? Avec "la conception de Léo avec la PMA" c'est enfin un album sur le sujet de la PMA, alors que nombre d'enfants sont nés ainsi. Mais cet album aborde aussi l'homoparentalité : si là encore, on se réjouit de voir des albums sur ce sujet, alors que nous avons suffisament de recul maintenant pour démontrer la très bonne santé mentale et physique de ces enfants, le papa biologique de l'enfant n'est en aucun cas évoqué. Si ces albums soulèvent plus de questions qu'ils n'apportent de réponses à une demande, ils ont le mérite d'exister.

Faim"Est-ce que tu as Faim" ou comment une jeune fille va s'intégrer à l'école grâce aux repas de sa grand-mère

Li une famille asiatique preque pas identifiable

LeoLa PMA, l'homoparentalité asiatique

Le wokisme et la question des communautés asiatiques sont traités par R F Kuang avec "Yellowface" (éd. Ellipsis) : à travers ce roman "young adult" ce sont de nombreux sujets qui sont abordés : l'héritage de la mémoire de la communauté chinoise avec les soldats de la 1ère guerre Mondiale ; c'est aussi le wokisme et la possibilité d'une blanche de s'approprier cette histoire, mais aussi les pouvoirs des réseaux sociaux.

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NOUVELLES GENERATIONS

A la fin des années 2010 tout comme au début des années 2020, plusieurs romans et BD ont évoqué des sujets sensibles, voir tabous, ainsi que la vie des communautés à l'étranger (surtout aux Etats-Unis). Nous avons (re)découvert les camps de japonais puis pakistanais aux USA pendant la guerre, les enfants de couples mixtes, etc. De nouveaux textes plus intimistes abordent maintenant non pas les problèmes d'intégration, l'histoire des migrants, mais des questionnements sur la vie de migrant, l'apport de sa double culture, comme Silki avec la BD "Malgré tout je suis ici" (éd. de l'Association) ou Lee Deb JJ avec "In limbo" (éd. Akiléos). Avec "Ne le dis pas à papa" d'Emmanuelle Han (éd. Actes sud J), l'autrice fait suivre à son héroïne française d'origine chinoise, mal dans sa peau, un chemin obscure pour retrouver sa famille, son histoire, son identité : bien loin d'un retour à ses racines, ce sont des rencontres difficiles, qui vont la détruire autant mentalement que physiquement, où le lecteur sera lui-même mal à l'aise. Fish Wu évoque avec "Lettres de Taipei" (éd. rue de l'échiquier) les retrouvailles de nos jours, d'une famille séparée : un retour de Taiwan vers la Chine continentale.

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Ou quand retrouver son identité n'est pas que retrouver ses racines

Un roman apporte un nouveau regard sur la communauté chinoise des Etats-Unis : "Motel Calivista" de Kelly Yang (éd. A. Michel) a pour héroïne une jeune chinoise venue avec ses parents. Nous découvrons ces nouveaux migrants exploités, parfois par des asiatiques : ici le méchant est un taiwanais ; mais aussi des chinois n'ayant aucune honte à fouiller les poubelles, partageant leurs mésaventures avec des migrants mexicains ou des noirs américains. Le patron d'origine taiwanaise dit à son fils que les chinois aiment rester assis à ne rien faire et à cracher par terre. 

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Les nouvelles générations, bien intégrées partent à la recherche de leurs racines : une jeune fille française part pour la première fois en Inde, pour faire connaissance avec sa culture et sa grand-mère "Ma grand-mère du bout du monde" Rajani La Roca (éd. Rue du monde). Jun "Nos adoptions" (éd. Delcourt) raconte ses souvenirs d'adoption et les retrouvailles avec ses parents biologiques en Corée.

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Le COVID et les tensions en France font éclater le racisme anti-asiatique : Minh, un jeune ado d'origine vietnamienne de banlieue parisienne, refuse de subir le racisme : contrairement à ses parents, il décide de se défendre. Au-delà même du racisme abordé dans de nombreux romans, Christophe Léon affiche, avec le titre "#Stopasianhate", reprenant le slogan américain (éd. Le Muscadier), le racisme anti-asiatique plus sournois, moins visible, en faisant évoluer son personnage dans un collège où se côtoient des élèves de multiples origines.

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ASIATIQUES ET FEMMES EN ASIE AUJOURD'HUI

De nouveaux textes, surtout des BD évoquent maintenant le mal-être ou certaines réalités de la vie dans des pays asiatiques aujourd'hui. En Chine, si Golo Zhao évoque avec une certaine nostalgie l'enfance dans les petite villes chinoises avec "Un dernier soir à Pékin" (éd. Glénat), Yun Liu avec un très beau texte évoque la vie d'une femme à la campagne dans "Le printemps prochain" de Yun Liu (éd. Ca et là). En corée, être une femme aujourd'hui est tout aussi compliqué, évoqué avec "Les daronnes" de Yeong-shin Ma (éd. Atrabile), entre travail humiliant, mari alcoolique et pression familiale, tout comme "Demain est un autre jour" de Keum Suk Gendry-Kim (éd. Futuropolis), où la belle famille presse la femme d'avoir un enfant ou encore "Jin et Jin" de Lee, Dong-eun Jeong, YI-Yong (éd. Ca et là) où l'on découvre qu'être une femme ou mère seule passé un certain -jeune- âge est une mise à l'écart de la société. Si l'homosexualité et même la transexualité est toujours une constante de la fiction japonaise comme "Oboro et moi", Taine Inukai (éd. Akata), être lesbienne en Chine n'est pas accepté dans "Les enfants du rêve chinois" de Luxi (éd. Sarbacane). Camille Monceaux quant à elle évoque les regrets et tabous liés au mariage au Japon avec "Le secret des bonbons pamplemousse" (éd. R. Laffont).

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être une femme en Corée aujourd'hui

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être chinois en Chine 

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La culture coréenne n'est plus une mode mais bien un phénomène mondial. Avec les premiers titres, premières séries, ce sont les amours et guerres impitoyables au sein de l'industrie k-pop qui nous sont proposés. Avec "Tokyo scénario", une jeune star sud-coréenne décide de s'affranchir des règles, de ne plus être la jeune fille inoocente et polie : c'est au Japon qu'elle va s'affirmer, tout en comparant les différences culturelles de ces deux pays.

Tokyo scenario 5055278 264 432 de la Corée au Japon

ASIE : TOURISME ET MONDIALISATION 

Les occidentaux aussi migrent pour leurs études ou le travail. Une jeune suédoise "A la découverte du Japon : Asa une suédoise au pays du Soleil levant" de Asa Ekstrom (éd. IMHO), habitant le Japon depuis 9ans, artiste, évoque les "curiosités" culturelles ; "Himawari house" de Harmony Becker (éd. Rue de Sèvres), est une collocation d'étudiantes asiatiques venues de Corée, Singapour et Etats-Unis et d'un étudiant japonais. Le plus étonnant étant certainement "J'ai vu des vêtements sauvages" de Inès Rousset, Simon Burger (éd. Le monte en l'air), qui est un catalogue d'avis de touristes de passage au Japon, traduits par Google : drôle et poétique autant que surréaliste. Frédéric Debomy quant à lui évoque les touristes de passage en Birmanie (le pays n'est pas précisé) pour des rencontres tarifées avec de jeunes femmes ainsi que de jeunes birmanes rêvant d'une vie meilleure avec des étrangers, demandant le divorce en découvrant leur nouvelle vie dans "Le baiser" (éd. Ici même). On ne peut mieux évoquer le Japon avec "Mon voyage à moi" où un hôtelier d'un modeste quartier de Tokyo voyage par procuration par les témoignages de ses clients venus du monde entier de Akiko Miyakoshi (éd. Syros).

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L'Asie vue par les étrangers, les touristes

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l'étranger fantasmé

Cette mondialisation permet aussi un autre regard sur l'Asie : avec "Les âmes noires" de Druart/Ducoudray (éd. Dupuis), ce sont des occidentaux qui s'intéressent à la Chine des oubliés : cette bd aborde la vie de nombreuses familles vivant en marge de la mondialisation, dans un huis-clos que sont les mines de charbon, où chacun à sa place et un rôle à jouer pour survivre.

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FICTION ET ACTUALITE

L'actualité est de plus en plus présente dans la fiction et la BD : certaines BD évoquent Hong Kong, Lun Zhang que nous avions déjà rencontré pour parler de Tian'anmen revient avec "Hong Kong révolutions de notre temps" (éd. Delcourt). Les minorités aussi comme les "Ouïghours un peuple qui refuse de mourir" d'Eric Darbre et Eliot Franques (éd. Marabout) ou encore "Les Mhong, histoire vraie d'un peuple méconnu" de Vicky Lyfoung (éd. Delcourt). L'Iran, quant à elle est évoquée par un journaliste réfugié en France : M Neyestani "Les oiseaux de papier" (éd. Ca et là).

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Oiseaux de papier

Si certains auteurs chinois évoquent des souvenirs d'enfance en Chine, sans caricature, comme Zhu Chen Liang, "La bourrasque" (éd. HongFei), un nouvel éditeur Fadjong, par son autrice Stéphanie Ollivier, a pour ambition de faire connaitre la vie des enfants chinois en commençant par l'école à Pékin "Ma vie en Chine : l'école"

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Chine d'hier et d'aujourd'hui, vue de Chine

"Le fils de Taïwan" est bien plus qu'une histoire de Taïwan : Yu Pei-Yun nous propose en 4 volumes un ouvrage de référence accessible même par les collégiens : de nombreuses notes établies par des spécialistes sauront informer les étudiants pour des recherches plus approfondies. Cette série est inscrite sur la liste de lectures de nombreuses universités. Mais c'est aussi un des rares ouvrages sur l'histoire de ce pays, alors que les étudiants taiwanais commencent à peine à acceder à une information non chinoise sur leur propre pays.

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L'Asie non caricaturée, la vie réelle, par des asiatiques

Si les albums, comme les romans, sont plus nuancés, moins caricaturaux, certains titres nous proposent enfin une image plus réaliste de l'Asie, ou tout simplement des albums non identitaires, aux histoires universelles. "Petit bonheur" de Zhang Yué (éd. Ecole des loisirs) nous propose une histoire chinoise dans un décor typique : une petite ruelle avec un petit restaurant de rue. Le dessin est réaliste, jusque dans les détails et nous sommes plongé dans une histoire se déroulant en Chine non fantasmée, non caricaturée même si le récit apporte une touche surréaliste. Hua Ling Xu, sur un texte de Marie Le Cuziat avec "Frères" (éd. L'étagère du bas), nous fait partager la complicité entre deux frères. Heejin Park nous propose une histoire classique et pourtant très nouveau pour un album jeunesse : "A l'eau" (éd. Cotcotcot) évoque une petite fille insistant pour que sa grand-mère l'accompagne à la piscine. Après un gros effort, elle accepte mais une fois dans l'eau, c'est la petite fille qui doit insister pour la faire sortir de la piscine. Nous avons une vraie grand-mère : tout aussi bien dans son comportement, que dans son physique. Mori quant à lui, poursuit son exploration de l'enfance : avec "Vacances d'hiver" (éd. HongFei), ce sont des cartes postales de l'enfance, mêlant les souvenirs, la nostalgie d'un enfant découvrant le monde, mais aussi des souvenirs universels, vécus ou non mais bien ancrés dans l'imaginaire de tous les enfants, et surtout des adultes.

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L'ASIE DANS L'EDITION JEUNESSE 1/ A L'AUBE DES ANNEES 1990

L'ASIE DANS L'EDITION JEUNESSE 2/ LES ANNEES 2000-2010

L'ASIE DANS L'EDITION JEUNESSE 3/ LES ANNEES 2010

L'ASIE DANS L'EDITION JEUNESSE 4/ FIN DES ANNEES 2010