HISTOIRE DE L'ASIE DANS L'EDITION JEUNESSE/1
1990 - 2... L'ASIE DANS L'EDITION JEUNESSE
1 / Le livre jeunesse à l’aube des années 1990
Tout au long du siècle dernier, l'Asie a toujours été présente dans l'édition pour la jeunesse. Si notre regard parfois pouvait être très marqué comme avec les éditions Enfants de France, ou des documentaires faisant référence aux races, il pouvait être aussi plus fantaisiste et fantasmé. Certains documentaires très sérieux proposaient une découverte des pays comme les éditions PEMF avec une curiosité qui prête à sourire aujourd'hui.
"Grandes vacances en Asie" éd. des Enfants de France ; "le médecin chinois", sorte de sorcier capable de tout guérir éd. Imagerie d'Epinal
Ed. PEMF "Tchen Lo Ming et sa famille" (...) "Wang est jaune, ses parents sont jaunes aussi". Photo d'une balinaise du livre "Races"J. Brunhes éd. Firmin Didot : chaque peuple est présenté, décrit à l'aide de photographies
la Croisière jaune fait l'objet de nombreux livres de fiction ou documentaire. Même à la fin du siècle elle continue à fascinée (revue "Je lis des histroies vraies")
Le livre pour la jeunesse offre, par le documentaire encore très présent en bibliothèque et dans l’édition, un voyage dans toute l’Asie, dans les contrées les plus inaccessibles ou les plus fermées. Deux photographes marqueront des générations d'enfants : Dominique Darbois et Ylla, deux femmes qui ont parcouru le monde.
Ylla consacre sa vie à la photo, perdant la vie en Inde (photo : "Le petit éléphant")
Editions Hatier coll. "Connais-tu mon pays?" (photo : "En Iran ave Reza")
Ed. Larousse coll. "Un jour dans mon village" (photo : "Tsiza et les caravanes au Népal")
Ed. Nathan "Arrang, un enfant de Bornéo"
Les éditions Larousse, Nathan, Gautier Languereau, Hatier, L’Harmattan, entre autres, nous font vivre le quotidien des enfants, par le biais de reportages photos : Bornéo, L’Afghanistan, le Sri Lanka sont bien connus des jeunes lecteurs. Les animaux ont aussi une grande place dans le livre et certaines doc-fictions nous font vivre leurs aventures dans de superbes paysages asiatiques, entre autres sous la plume de Jacqueline Delaunay.
"Shan léopard des neiges", une fiction-doc
Jusqu'ua début des années 1980, les enfants collaient des images dans des albums : certains consacrés à l'Asie
Certaines collections encyclopédiques nous font voyager dans tous les pays, comme "Enfants du monde" éd. Nathan, avec les phographies de la journaliste Dominique Darbois
La Chine, un monde à part
La Chine se distingue cependant par des documentaires plus formatés. C’est un pays fermé : si l’Asie centrale a fait rêver, par des événements comme la Croisière Jaune, nos voyages s’arrêtent, à l’image de « Paris Pékin en transsibérien » de A. Rosenstiehl, aux portes de la capitale avec un peuple figé, soudé et insondable.
Cependant, la Chine inonde l’Occident de nombreux livres d’histoires régionales, ethniques, illustrées par de grands artistes chinois (éd. Des livres en langues étrangères et Zhaohua) : si l’on écarte les messages propagandistes, on apprécie à l’époque l’image avant-gardiste de l’égalité des sexes. Sa diffusion se fait das de nombreuses langues dont certaines à l'époque encore "rares" : le mongol
La propagande chinoise met les filles à égalité avec les garçons et raconte les exploits de nombreuses héroïnes : Mulan, Hai Hua... (photo : "Hai Hua")
les artistes chinois mettent en valeur les coutumes et vêtements ethniques (photo : "Children's sport in China"). Histoire en langue mongole
La vision « moderniste » de la Chine quant à elle se traduit par la représentation de techniques modernes :
- L’électricité : symbolisée par de gros pylônes perdus dans des paysages sauvages
- Les usines : grises, laides et polluantes
- La vitesse : le train et les expériences scientifiques
La vitesse fascine et s'explique dans "L'air au travail"
Dans le recueil des "dessins d'enfants de la Chine nouvelle" paru en 1955 aux éd. des livres en langues étrangères, usines, grands immeubles font rêver les enfants
L’Asie du sud-est et l’Histoire
Le traumatisme de la Guerre du Vietnam et la présence encore récente des occidentaux dans la région, en font une zone sensible et les documentaires se font plus rares.
Le Japon et ses auteurs internationaux
Si l’image de ce pays est encore très peu moderne, ses auteurs sont déjà très connus : Taro Gomi et son dessin enfantin a séduit les jeunes lecteurs du monde entier, tout comme la célèbre « famille souris » de K Iwamura ou les grandes aventures de la savane par Yoshida.
si Yoshida a le soucis du détail avec la représentation de la savane, Iwamura crée un univers qui séduira tous les enfants
Les auteurs japonais nous font vivre des histoires universelles ou d’autres cultures. Mais leur succès est lié aussi à leurs caractéristiques bien japonaises : le soucis du détail, le dessin allant à l’essentiel, la notion de l’espace-temps, à l’exemple de « l’araignée » de Shingu ou encore ces moments non palpables, nostalgiques si bien évoqués par Sawai « Ma promenade à la mer ». Les japonais ont aussi leurs spécificités : ils ont en autre une fascination pour les toilettes... Mais c'est un sujet que tous les enfants partagent!
Nostalgie, souvenirs avec Sawaï et le tissage de la toile d'araignée, par Shingu
Le caca, un sujet très... japonais
Le roman pour la jeunesse commence à se diversifier. Les romans éducatifs et de bonne morale tendent à disparaître. Nous aurons pu aussi lire de bons romans historiques au Père Castor, Flammarion, Rouge et Or, éd. De l’Amitié… De vraies aventures pour lesquelles les auteur(e)s comme Evelyne Brisou-Pellen se sont richement documentés. La présence des occidentaux en Chine va aussi inspirer des séries comme Nathie qui fera une escale à Hong-Kong.
"A la poursuite des yacks sauvages" de H.E. Dettmann éd. de l'amitié et "Prisonnière des mongols" de E. Brisou-Pellen, Flammarion
"Nathie" de L.N. Lavolle éd. Gautier Languereau nous fait rencontrer de pauvres domestiques chinois prisonniers mais une description intéressante de la région de l'époque
Les années 1990
Cette époque, où l’information est bien hiérarchisée, où les enfants découvrent les pays par des cartes, où l’on prend le temps de s’informer par la presse et des livres documentaires, se termine.
L’arrivée d’internet, la multiplication des chaines tv, la mondialisation et la nouvelle donne économique va bousculer aussi l’édition et notre perception de l’Asie.
La mondialisation ne fait plus voyager
Le documentaire tend à disparaître avec le droit photo plus important et la concurrence d’internet : nos habitudes de lecture changent aussi et le gros livre documentaire ne séduit plus. Les enfants s’informent via les programmes scolaires et la TV, où l’Asie est peu présente. Internet, déjà à ses débuts, ne favorise pas le développement de ces connaissances sur les différentes cultures.
Le roman se veut plus léger, plus divertissant ; les traductions de l’anglais (américain) sont plus nombreuses. A l’image des séries tv, nous partageons le quotidien de jeunes anglo-saxons. Les anciens titres sont réédités avec une nouvelle mode des "bibliothèques verte" et "bibliothèque rose" entre autre. Nous retrouvons des personnages évoluant dans des décors asiatiques : les histoires semblent intemporelles et à l'image de notre perception de l'Asie.
"Fatik et le jongleur de Calcutta" S. Ray sera réédité tout au long des années 80 et 90. Paru en 1949, "Alice et le vase de Chine" sera réédité jusqu'en 1985
Les pays, les cultures tendent à s’effacer au profit d’un village mondial, d’une culture uniforme et surtout sous l’influence des États-Unis. Les pays anglo-saxons cependant évoluent avec le communautarisme. Ainsi, dans cette culture où les diversités culturelles disparaissent, il n’est pas rare de rencontrer des héros issus de différentes communautés.
Nous retrouvons de nombreuses bandes d’enfants avec souvent un représentant asiatique. Mais ce panel mondial ne fait qu’accentuer la caricature de nos héros chinois. Dans certaines séries, le personnage principal n'est pas chinois mais qui ne se souvient pas qu'Harry Potter est amoureux de Cho Chang?
Avec les "Aventuriers du cercle" nous partons en Asie ; "Les compagnons de la peur" ont des héros de différentes origines dont un chinois
Cho Chang, élève studieuse et athlétique qui fera craquer Harry Potter...
Dans le roman français, notre héros, forcément chinois, sera geek, avec un papa souvent restaurateur ou scientifique. La série « Les guerriers du réel » de J M Ligny parue en 1999 résume bien cette époque de bande d’enfants, dont un chinois geek, évoluant dans un monde entre jeux vidéos et technologies mais toujours ancrée dans le chinatown du 13ème arrondissement.
Communautés chinoises
Que ce soit dans la fiction américaine ou française, les chinois représentent le plus souvent les asiatiques. Alors que nous n’évoquons plus l’Asie dans sa globalité, la Chine qui vient de connaître sa Révolution culturelle fascine car elle reste le futur grand pays et le seul à pouvoir tenir tête aux Etats-Unis. Mais, encore peu ouverte aux étrangers, nos héros se confrontent à cette réalité.
L’asiatique est donc chinois. En France comme aux USA, ils sont discrets, mystérieux, studieux, souvent restaurateurs ou informaticiens. Très modestes en France, car les migrants chinois viennent tous des régions rurales très pauvres de Chine. Carl Norac qui voyage souvent en Asie évoquera très justement ce choc culturel en confrontant ses personnages à Paris dans "Beau comme au cinéma". Un autre album symbolise bien la présence des chinois en France : "Le voyage en porcelaine" fait voyager un enfant qui plonge son regard dans la vaisselle d'un restaurant chinois.
Dans "Beau comme au cinéma", Carl Norac évoque la rencontre d'un jeune garçon avec une famille chinoise à Paris avec ses craintes et préjugés ; C. Bernos quant à elle nous fait rencontrer une jeune chinoise et son cerf-olant dans "Ti-Tsing"
"Le voyage en pocelaine" de Gaëtan Evrard à l'Ecole des loisirs et ses motifs chinois
Déjà très caricaturé pour sa représentation en Occident, il n’a guère évolué en Chine : pauvre paysan dans sa rizière, avec un chapeau pointu. Nombreux albums nous présentent des paysans pauvres et un enfant rêvant de cerf-volant. Chen J H, artiste vivant à Paris évoque dans ses albums une Chine traditionnelle mais il nous livre avec "Je ne vais pas pleurer" un album documentaire sur les métiers chinois.
Aux Etats-Unis, l'histoire de la communauté chinoise est racontée dans des albums tels que "Coolies" de Yee ou "Le train fantôme" de Yin ; Alan Say quant à lui racontera le voyage de son grand-père du Japon vers les Etats-Unis "Le voyage de grand-père". Mais un des migrants asiatiques aux Etats-Unis les plus connus est "Chinaman" par Le Tendre et Ta Duc éd. Dupuis
Pour faire voyager nos héros occidentaux en Chine, les auteurs utilisent de la magie afin de les faire voyager dans le temps, pour qu’ils puissent évoluer dans un pays qui nous est familier. Ils partent généralement du chinatown dans le 13ème arrdt.
Ainsi, la bande d’enfants de « Traquenard à Pékin » pourra voyager en Chine grâce à l’un d’eux, chinois vivant dans le chinatown dont le père est scientifique : en un tour de magie ils se retrouvent à Pékin dans une autre époque… "Tom Cox" de Franck Krebs, par un tour de magie, se retrouvera dans la cité intérdite à Pékin
Les portes d'entrées de la Chine
Si à cette époque nos héros partent du 13ème arrdt. de Paris, entrent en Chine à Pékin en faisant un voyage dans le temps, il y a d'autres accès : Shanghai et Hong-Kong, toutes deux marquées par leur histoire et lien avec l'Occident.
Shanghai est la concession française, le lieu des trafiquants aussi : "les lanternes de Shanghaï" de Ryamond Plante éd. Courte échelle évoque une jeune française embarquée dans une sombre histoire d'antiquaire, "Le fantôme de Shanghaï" de Claude Guillot éd. Seuil évoque une couturière qui envoie sa fille à travers la ville, livrer une robe à une riche famille : l'illustration nous fait revivre par les objets et l'architecture la vie de Shanghaï au temps des concesions. Jean Malval fera un album très détaillé sur 'Les rues de Shanghai au temps des concessions" éd. Casterman.
Alors que Hong Kong jouit encore de son statut spécial avant son retour incertain dans le giron chinois, elle offre un décor de modernité avec ses tours et néons, siège de multinationales, des mafieux, mais aussi un choix pour les histoires de SF ou d’ambiance de fin du monde, surtout pour la BD, dans les années 1990 mais dans les années 2000 également. Cette ville est historiquement aussi le départ ou l'arrivée pour les migrants chinois et asiatiques, comme "Vers la ville d'argent" de Gloria Wheelan éd. Flammarion ou "Pas de vacances pour Immense savoir" de Mark Salzman éd. Ecole des loisirs
"Coup de gong à Hong-Kong" de Jocleyne Sauvard E. Magnard et "Hong-Kong spirit" J.C. Deverney éd. Soleil
Des vietnamiens rêvent d'un monde meilleurs "Vers la ville d'argent" ; Le départ pour l'Amérique avec "Pas de vacances pour Immense savoir"
L’Asie se résume donc à la communauté chinoise, principaux migrants « visibles » asiatiques et nos connaissances sur ce pays à cette époque.
Cette image de l’asiatique-chinois sympathique, bien que mystérieux, va changer à l’aube du XXIème siècle...
L'ASIE DANS L'EDITION JEUNESSE 2/ LES ANNEES 2000
L'ASIE DANS L'EDITION JEUNESSE 3/ LES ANNEES 2010