CATTELAIN, Chloé (2)
RENCONTRE AVEC...
CATTELAIN, Chloé
"COUP DE FOUDRE A PEKIN" éditions Thierry Magnier (sept. 2018)
Clémence, adolescente française, perd ses repères en suivant sa mère à Shangaï, ville la plus peuplée de Chine. Malgré sa maîtrise de la langue et son attirance pour ce pays fascinant, la jeune fille doit composer avec le règlement régissant son nouveau lycée. Ici, pas question de se la couler douce : travail, ordre et discipline sont au menu chaque jour, dès l'aube et jusqu'à 21 heures. Clémence ronge son frein mais tient le choc grâce à Li Mei, sa nouvelle amie et à Yonggui, charmant jeune homme contraint de bûcher pour réussir ses études. Entre travail et amour, son cœur balance. (résumé par Ricochet)
Nous avions fait la connaissance de Chloé Cattelain avec son roman MA VIE A LA BAGUETTE où nous avions partagé la vie d'une famille chinoise dans le nord de la France ;
Avec COUP DE FOUDRE A PEKIN, l'héroïne nous enmène à Pékin...
1 – Avec "Coup de foudre à Pékin" nous partons en Chine : est-ce plus facile d'aborder la culture chinoise en situant l'histoire à Pékin qu'à Lille ? Avez-vous pensé à Kévin Zhang, le héros de votre précédent roman « Ma vie à la baguette » en écrivant ce nouveau roman ?
Plus facile ? Hum… Facile n’est pas un mot qui convient à mon processus d’écriture, hélas. Ecrire, est certes jubilatoire, mais ô combien difficile.
J’aimais beaucoup les personnages de mon précédent roman. Etre attaché à ses personnages aide assurément à les faire vivre dans un livre. Mais Kevin et ses petits camarades n’avaient pas leur place dans ce présent roman. Je l’ai donc oublié le temps de l’écriture de cette nouvelle fiction pour me consacrer à mes nouveaux personnages.
2 – Quelles ont été vos sources d'inspiration pour ce roman ?
La Chine une fois encore ! J’ai eu la chance de pouvoir observer et vivre le quotidien des lycéens chinois. C’est un sujet passionnant. L’éducation nous apprend beaucoup sur la société chinoise et son système politique. Le régime autoritaire chinois imprègne la vie courante des lycéens, les programmes scolaires, le mode de vie, la discipline, les relations entre élèves, avec les enseignants etc. C’est un thème qui me tient à cœur : la démocratie n’est pas une lubie d’intellectuels, mais un bien précieux qui conditionne notre liberté au jour le jour. J’espère avoir réussi à le montrer dans ce livre.
3 – Il y a tant de sujets à évoquer sur la vie en Chine, pourquoi l'amour ?
En fait, mon roman aborde de nombreux autres sujets : la scolarité en Chine, la corruption, la vie quotidienne à Pékin, la condition de jeunes étudiants paysans, le phénomène de l’expatriation des jeunes enfants chinois pour éviter d’avoir à affronter le terrible bac chinois, la pollution. Mais, l’amour est un bon angle pour montrer comment dépasser les différences culturelles entre deux personnes. Et je le crains : j’adore les histoires d’amour.
4 – Comment s'est construite cette histoire où certains personnages comme la mère de Clémence ou Yan, la sœur de Yonggui auraient pu tout aussi bien être un point central du récit ?
Clémence et Yonggui sont vraiment les deux personnages principaux, le point central du récit. Clémence car elle découvre la Chine avec enthousiasme mais doit aussi fournir des efforts constants d’adaptation et de compréhension. Yonggui, car j’avais envie de raconter l’histoire de ces jeunes Chinois qui sont scolarisés à la campagne dans des conditions difficiles et qui arrivent jusqu’au sésame des études supérieures en ville. Ils ont effectué un véritable parcours d’obstacles, surmonté les fortes inégalités sociales entre la ville et la campagne. Pour eux, c’est une course sans fin et rien n’est encore gagné.
Le personnage de la sœur de Yonggui prenait plus de place dans les précédentes versions du livre. Je m’attachais à ses difficultés d’insertion en ville, aux problèmes rencontrés par sa petite fille pour aller à l’école. Mais je trouvais que le développement de ce personnage éloignait trop le récit de sa trame romanesque.
5 – Le personnage de Yonggui semble plus important, dense que celui de Clémence. Comme les frères Zhang, ce sont des garçons... est-ce un hasard ou aviez-vous envie de décirre des Chinois plus que des Chinoises ?
Non, ce n’est pas un hasard. Mes livres abordent les préjugés concernant la Chine. Les femmes asiatiques sont de surcroît l’objet de clichés sexistes, dont certains hérités du colonialisme en Indochine. Ceux-ci sont très bien décrits par la documentariste Sophie Brédier dans « Femmes asiatiques femmes fantasme » ou par la blogueuse Grace Ly. Cela me semblait un sujet à part entière, complexe à aborder, qui méritait un traitement spécifique.
Je sais aussi que plusieurs auteures féminines préfèrent que leur héros soit des garçons, car cela crée de la distance avec elles. Ecrire est un processus de dévoilement, une exposition de soi. Avoir un garçon pour personnage principal permet de diluer ce phénomène.
6 – Un moment d'angoisse à la fin du roman lorsque Yonggui ne voit pas Clémence arriver au rendez-vous... auriez-vous pu imaginer cette fin ? Imaginez-vous Clémence s'installer dans la famille de Yonggui ?
En vérité, dans sa première version, ce roman terminait bien mal. Yonggui ne parvenait pas à surmonter la profonde tristesse qui l’habitait, ni la pression sociale qui lui interdisait d’aimer une jeune fille si différente de son milieu. Yonggui continuait à penser en termes de construction d’avenir, de bien collectif pour sa famille. Clémence n’avait vraiment pas sa place dans cette vie et il la quittait. On les retrouvait adultes, ils pensaient l’un à l’autre, mais ils demeuraient séparés. Bon, mais tout cela était trop triste ! Et puis, je crois fondamentalement que des personnes très différentes sont capables de construire une relation amoureuse et c’est sur cette note optimiste que je voulais terminer.
7 – Pouvez-vous nous parler de vos projets ? Peut-on espérer un nouveau roman en Chine ?
J’ai écrit un petit texte charmant sur les péripéties d’une girafe à Taiwan. Elle partage la vie des jeunes écoliers taiwanais et connaît les joies du dépaysement. Ma girafe (qui s’appelle Gisèle) vient tout juste de se mettre en recherche d’un éditeur, de son pas lent et chaloupé.