LOYER, Anne
Anne Loyer est née en 1969 dans le Berry et n'a pas cessé de parcourir la France de déménagement en déménagement. Une maîtrise de droit et des études de journalisme l'entraînent vers sa première passion, celle de la presse écrite
Echange avec la sortie de "Filles uniques" éd. Slalom, 2021
"Filles uniques", c'est la rencontre de trois personnages : Xinxin, jeune lycéenne pékinoise qui admire son amie Xia, plus à l'aise avec les études et socialement. Si la première souhaiterai avoir un frère ou soeur, la seconde enrage d'en avoir un prochainement. Leur vie va basculer avec des révélations sur fond de politique familiale et la rencontre d'un jeune homme sans identité...
- Vous avez exercé d’autres métiers avant d’écrire pour la jeunesse : pourquoi ce choix ?
Pendant plus de quinze ans, j'ai été journaliste en presse quotidienne régionale, à Midi Libre avant de me consacrer pleinement à l'écriture. Le déclic ne s'est pas fait en un jour, mais c'est en me plongeant dans la littérature jeunesse pour écrire des chroniques et en découvrant l'immensité du choix éditorial que j'ai eu envie d'y plonger à mon tour. J'ai vite été fascinée par le talent des illustrateurs et des écrivains que j'y rencontrais. Aussi le désir de faire partie de cet univers m'a poussée à tenter ma chance !
- Quels livres ont marqué votre enfance ?
Les romans de la Comtesse de Ségur, notamment Après la pluie le beau temps, mais également Les contes du Chat perché de Marcel Aymé, Mon bel oranger de José Mauro de Vasconcelos ou encore Sa majesté des mouches de William Golding...
- Les ados sont au cœur de vos romans, et plus particulièrement les jeunes femmes. Pourquoi cette thématique ?
Dans mes romans ados, j'ai à cœur de m'adresser à mon lectorat. C'est donc tout naturellement que mes personnages ont l'âge de mes lecteurs. Quant au choix du genre, cela dépend vraiment de l'histoire que j'ai envie de raconter. Et s'il est vrai que cinq de mes derniers romans ont une héroïne, je n'en fais pas une condition sine qua non ! Ainsi Car Boy, La Belle rouge ou encore Dans la gueule du diable ont pour personnage principal un garçon. L'important c'est la relation intime que je tisse entre mon personnage et son évolution personnelle.
- Le roman pour la jeunesse est un des rares medium pour aborder tous les sujets avec les ados. Y a t-il un sujet que vous ne pourriez aborder, ou difficilement ?
Sincèrement je ne vois pas quel sujet ne pourrait pas être abordé... Ce qui me plaît dans cette littérature adolescente c'est justement la variété des thèmes traités. Elle suit l'évolution de la société, des moeurs... elle l'anticipe même parfois. C'est une matière en perpétuelle ébullition qui cherche à travers l'apparition de nouveaux genres, de nouvelles collections à parler à tous. Et si, personnellement, je suis plus ou moins attirée par un sujet, si je ne me sens pas capable de l'aborder, je sais qu'un autre de mes confrères ou consœurs le sera !
- Vos personnages nous font voyager en Inde et en Chine : connaissez-vous ces pays ? Comment avez-vous travaillé pour vous écrire ces histoires ?
Pour Celle que je suis, qui se passe effectivement en Inde, j'ai eu la chance de visiter une partie (une partie seulement) de ce pays et cela reste un souvenir très fort. Ces impressions de voyage m'ont aidée dans la rédaction de mon roman. Mais bien sûr, je me suis énormément documentée à travers des romans, des documents, des reportages, des guides, des films... Ce que j'ai fait également pour Filles Uniques, mais de manière encore plus approfondie, car contrairement à New Delhi, je n'ai jamais été à Pékin, ni même en Chine. C'est aussi tout l'intérêt d'une fiction, de pouvoir se projeter dans un imaginaire construit non pas sur des idées floues, mais sur des recherches précises et passionnantes !
- L’image de la Chine en Occident change vite, pourtant elle n’est pas très présente dans le roman pour la jeunesse ; selon vous, est-ce un manque de curiosité, de difficulté d’aborder ce pays ?
Il est vrai que lorsque j'ai eu l'idée d'écrire un roman sur la politique de l'enfant unique, après avoir visionné La nation de l'enfant unique, documentaire de Nanfu Wang et Jialing Zhang, je n'ai pas trouvé de romans adolescents traitant de ce sujet. Je ne saurai dire s'il s'agit d'un manque de curiosité car quand je vois la richesse des ouvrages mis à la disposition de la jeunesse, la curiosité ne manque pas, bien au contraire. Je pense que ce pays est peut-être encore mal connu, tout au moins dans sa réalité la plus présente, et que son immensité est une difficulté supplémentaire, car selon les régions les vérités peuvent changer du tout au tout. Mais c'est ce qui en fait aussi un formidable terreau d'exploration et ouvre une multitude de possibilités pour inventer des histoires, ce qu'on retrouve davantage dans la "littérature adulte"...
- Si vous deviez écrire une suite, comment imagineriez-vous la vie de Xinxin, Xia et Long?
Je pense que Xinxin découvrira avec bonheur celle qui lui a tant manqué, qu'elle devra reconstruire un passé tronqué, et qu'elle apprendra, je l'espère, à pardonner ; Xia, elle, devra faire avec le choix de ses parents, s'ouvrir à celui ou celle qui arrive, apprendra, je l'espère, à partager ; Long est celui qui n'est qu'au début de son combat. Un combat qui s'annonce difficile face à un régime qui déteste revenir sur son passé et ses torts... son avenir est le plus incertain. Mais j'espère que lui, comme tous les enfants au noir, pourront un jour sortir de l'anonymat et de l'ombre où ils sont obligés de résider.
- Le statut des femmes dans le monde n’évolue pas très vite : quelle injustice ou sujet aimeriez-vous plus particulièrement aborder à ce propos dans un futur roman ?
Il y a beaucoup de problématiques qui me tiennent à cœur quant au statut des femmes. Mais celui qui me touche le plus est celui du droit à l'avortement toujours remis en cause, toujours en sursis, dans beaucoup trop de pays, y compris en France. Un droit fragile que j'ai déjà soutenu dans mon tout premier roman ado, Candy paru chez Des Ronds dans l'O, mais que je pourrais de nouveau aborder sous un angle différent.
- Votre travail ou projets d’écriture ont-ils affectés par l’arrivée du COVID19 ?
Certaines publications ont été reportées et j'ai eu du mal à retrouver un vrai élan créatif à certains moments... La panne d'écriture a même frappé à ma porte un certain temps. Mais j'ai eu la chance de voir nombre de mes projets aboutir et beaucoup d'interventions ont pu être reportées...
- Pouvez-vous nous parler de vos projets ?
Au mois de juin, j'ai la chance d'avoir une nouvelle dans le magazine Je Bouquine, Le tambour de l'espoir, qui parle de l'Apartheid en Afrique du Sud. J'aurai ensuite des albums à venir chez Glénat et une nouvelle série de premières lectures chez Lito ! Et sinon d'autres manuscrits cherchent à se poser et un autre, ado, est en cours d'écriture !
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