PEKIN
PEKIN : LA VILLE SANS VISAGE ? PEKIN DANS LA FICTION POUR LA JEUNESSE
Pékin, capitale moderne? Si l'on montre volontier les tours de verre de Hong Kong, les vieilles maisons de Shanghai, les petits villages anonymes, il n'en est rien de Pékin : la capitale n'est que trop rarement montrée si ce n'est par ses symboles, comme la cité interdite, elle-même désertée, comme morte. Rien non plus des maisons, immeubles, dont on devine à peine l'ombre chinoise en arrière plan d'une illustration. Les pékinois n'ont pas de visage : lorsque Lola arrive à Pékin, elle ne rencontre que quelques façades nues, des rues polluées, des visages sans expression. Le dessin se précise lorsqu'elle pénètre dans un vieux jardin traditionnel... Il faut suivre Kin-Fo dans ses tribulations en Chine ("Les tribulations d'un chinois en Chine" J. Verne) pour avoir une description assez précise de la capitale, ainsi que de la vie grouillante des rues à l'époque des concessions occidentales.
Scène de rue à Pékin : "Le chemin était tout droit (...) Mais la chaise n'avança pas sans difficultés. En effet les affaires se faisaient encore à cette heure, et l'encombrement était toujours considérable dans ce quartier, qui est un des plus populeux de la capitale. Sur la chaussée, des baraques de marchands forains donaient à l'avenue l'aspect d'un champ de foire avec ses mille fracas et ses mille chanteurs. Puis, des orateurs en plein vent, des lecteurs publics, des diseurs de bonne aventure, des photographes, des caricaturistes, assez peu respectueux pour l'autorité mandarine, criaient et mettaient leur note dans le brouhaha général. Ici passait un enterrement à grande pompe qui enrayait la circulation ; là, un mariage, moins gai peut-être que le convoi funèbre, mais tout aussi encombrant. ("les tribulations d'un chinois en Chine")
Et si Pékin est souvent une carte postale touristique, Jules Verne décrit aussi toute la pauvreté, la violence régnante : "Un plaignant venait frapper le tambour des plaintes pour réclamer l'intervention de la justice. Sur la pierre Léou-Ping était agenouillé un malfaiteur, qui venait de recevoir la bastonnade et que gardaient des soldats de police avec le bonnet mandchou à glands rouges, la courte pique et les deux sabres au même fourreau. Plus loin, quelques chinois recalcitrants, noués ensemble par leurs queues, étaient conduits au poste. Plus loin, un pauvre diable, ma main gauche et le pied droit engagés dans les deux trous d'une planchette, marchait en clopinant comme un animal bizarre. Puis, c'était un voleur, encagé dans une caisse de bois, sa tête passant par le fond, et abandonné à la charité publique. (...) Ces malheureux cherchaient évidemment les endroits fréquentés dans l'espoir de faire une meilleure recette, spéculant sur la pitié des passants, au détriment des mendiants de toutes sortes, manchots, boiteux, paralytiques, files d'aveugles conduit par un borgne, et les mille variétés d'infirmes, vrais ou faux (...)". ("les tribulations d'un chinois en Chine")
Lola rêve de la Chine, de jardins, de calme
Ruralité
Dans les albums des années 1950 à 1970, lorsque de jeunes enfants se rendent en Chine, c'est pour découvrir la campagne et jusqu'à l'aube de notre siècle, ce sont essentiellement des paysans et des maisons typiques qui sont représentées : la maison des hutongs, en brique avec une cour centrale. Le décors rêvé aussi pour asseoir l'autorité chinoise : la lutte des pauvres paysans contre les méchants propriétaires terriens. Ce sont surtout Shanghai et Hong-Kong qui sont le théâtre d'aventures de jeunes héros occidentaux dans les romans. Nos jeunes héros ne font qu'un bref passage dans la capitale et toujours pour y découvrir les mêmes symboles, ainsi que la grande muraille, toujours associée à Pékin.
Pékin dans les années 1960 : une ville festive avec beaucoup de vélos
Ville de symboles
Pékin, ce sont avant tout des symboles du pouvoir, de l'autorité : la Cité interdite, le Temple du ciel, la Grande muraille, l'opéra de Pékin... Elle ne représente ni le peuple : paysans, ni la modernité. Pour la Chine, cette modernité se traduit par des symboles que nous retrouvons dans des publications chinoises comme le pylonne électrique ou l'usine bien polluante, tout comme ce qui est lié à la vitesse. Mais cette image n'est pas compatible avec la capitale.
Pékin, c'est une vie joyeuse et confortable, en famille, dans une maison basse et des cerfs-volants pour s'amuser.
Grandes villes chinoises
Il y a trois villes représentatives de la Chine ; chacume est emblématique, ayant une image représentative bien différente. Hong Kong, la ville aux grandes tours modernes, la ville qui ne dort jamais, est le terrain d'aventures privilégié des occidentaux mais aussi à une époque, une frontière pour les chinois fuyant la Chine ; Shanghai, et son vieux quartier français, propice aux gangs en tous genres... Pékin, a une place à part : c'est avant tout la porte d'entrée sur la Chine. Alors que le pays se referme dans les années 1970, notre imaginaire occidental n'évolue pas et les traits caricaturaux tant à s'accentuer.
Des années 1970 à 1990, ce sont surtout des auteurs français qui nous raconte la Chine en français et, contrairement à d'autre pays visités par nos jeunes héros, s'ils ont pour certains fait quelques recherches, ils nous livrent des aventures figés dans une époque ou plutôt dans un imaginaire fantasmé.
Le fast-food, symbole de modernité à Pékin
Une porte d'entrée
Le voyage en Chine, fascine depuis tous temps : se rendre en Chine, c'est un voyage périlleux, plus ou moins difficile en fonction des relations franco-chinoises. Pékin en est l'accès privilégié. Mais il ne s'agit pas d'une ville, d'une capitale : c'est un symbole avec la Cité interdite. Il existe même des passages secrets entre Pékin et Paris. Nos jeunes héros s'y rendent depuis le chinatown parisien, par magie, effaçant de fait le long et perilleux voyage. Mais la surprise est à Pékin même. Ce n'est pas une capitale moderne qui s'offre à nos yeux ni même une ville, mais un palais, à une époque révolue! Dans "Traquenard à Pékin", des enfants évoluant dans le 13ème arrondissement vont, grâce à un four à micro ondes se propulser à Pékin! Mais ce sont quelques clichés qui sont évoqués : palanquin, mandarin, pagode, une cité interdite menaçante, mais rien de la ville en elle-même. Tom Cox, lui, a appris le chinois et profite des rues bruyantes et animées de la ville, après avoir été transporté de Paris au Pékin impérial par une porte magique. Mais très vite, alors que les soldats de la sanglante impératrice menacent, il est enlevé par un brigand qui oblige les enfants à voler dans la rue... Cet effet de transport mysterieux et de voyage dans le temps opère aussi aux abords de la ville ; Timothée, en visite sur la grande muraille avec ses parents se perd dans un épais brouillard et se retrouve comme par enchantement dans la Chine impériale. Même si la Chine reste un pays rural, Pékin en est la porte d'entrée mais à une époque correspondant à l'imaginaire des occidentaux.
Pékin : une grande place remplie de chinois
Même sans magie, le choc culturel opère. Les touristes arrivent souvent à Pékin, en train ou en avion. Rosensthiel nous enmène à bord du transsiberien : un voyage éprouvant qui nous conduit directement sur la place Tian'an men, encombrée de vélos, où il est difficile de faire le moindre pas. Lola elle descend d'avion et cherche le décors chinois dont elle rêvait ; mais c'est une ville hostile, sale et poluée qui s'offre elle.
Pierre et françoise, touristes modernes des années soixante, découvrent la Mongolie et les villages du nord de la Chine avant d'entrer en gare de Pékin. Mais ce n'est pas la grande ville qu'ils côtoient mais uniquement les jardins! Il semble que Pékin ne soit qu'un immense parc où l'on danse...
quelques immeubles, discrets en fond d'image
Avec les maisons basses, ce sont les petits métiers de rue qui symbolisent le mieux Pékin
jardins et monuments
A partir des années 2000, c'est très timidement que nous allons dans le Pékin d'aujourd'hui. He Zhihong nous fait visiter une ville sur le point de disparaitre avec ses maisons basses, ses petits commerces de rue typiques, Une pointe de changement avec la deventure d'un fast-food américain. Sun Hsin-Yu nous dévoile des ombres d'immeubles, de modernité, une rue typique avec ses maisons basses sur le point d'être détruite, une grue, mais seul l'université et le stade olympique sont en premier plan. Nous visitons surtout les vieilles ruelles touristiques. Ping-Ping quant à lui nous fait vivre ses activités et sa vie de famille partagée entre la vieille maison basse, les promenades dans les parcs ou sur la grande muraille. Golo Zhao évoque la fin d'une époque avec "un dernier soir à Pékin".
Une ville grise avec des immeubles que nous laisse entrevoir la promenade de ce chat
Pékin vu d'Europe
Avec l'arrivée des J.O. de Pékin, ce sont quelques critiuqes qui tendent à se faire, quelques scandales avec les usines polluantes où se fournissent les grandes marques internationales ; les enfants-travailleurs, les minorités subissant la pression de Pékin, puis la main mise sur Hong-Kong. Mais là encore, Pékin est un symbole du pouvoir, non une ville. Dans les années 2010, le roman pour ado, la Young adult connait un développement avec des auteurs américains d'origine asiatique. Mais ce sont surtout des histoires liées à la Corée et sa k-pop ou le Japon qui en sont le décors. Pour la Chine, quelques romans surtout de fantasy. Ce sont encore des auteurs français, pour certains d'origine chinoise qui vont aborder leur vie en France, ou quelques aspects de Pékin mais sur des thématiques touristiques essentiellement. Le vrai Pékin se dévoile sous le crayon de jeunes chinois.
Tian'anmen, une révolution vue par des chinois exilés comme L Zhang (interview ici)
Pékin actuel, dans les bandes déssinées
Certes Pékin est aussi moderne que bien d'autres villes occidentales, mais nos jeunes lecteurs trouveront le vrai visage de cette ville dans des bandes dessinées crées par des chinois. Ce sont avant tout des bandes dessinées pour ados qui nous dévoilent une ville moderne mais sombre, polluée, glauque : des vieillards nostalgiques, des trentenaires faisant le point sur leur vie ou de jeunes chinois gens rêvant de liberté. Un décors sombre mais assez réaliste.
Pékin est-elle une ville sans visage, sans identité? C. Cattelain, avec "Coup de foudre à Pékin" nous fait vivre la belle histoire d'amour d'une jeune étudiante française avec un jeune étudiant chinois. Ce roman nous montre la vie d'un étudiant à Pékin et une ville pas si désagréable finalement.
bibliographie sélective
Pékin d'autrefois...
"Les tribulations d'un chinois en Chine" Jules Verne éd. Hachette
"Je ne vais pas pleurer" Chen J H Ecole des loisirs, 1998
"La légende du cerf-volant" Chen J H Ecole des loisirs, 1999
"Pékin" R Platt et M Cappon Rouge et or, 2008
"Le terrible empereur de Chine" MP Osbone Bayard, 2003
"Tom Cox et l'impératrice sanglante" Seuil, 2001
"Traquenard à Pékin" K Quenot A Michel, 1998
Pékin aujourd'hui...
"Lola en Chine" Anna Höglund Seuil, 2000
"Ma vie à Pékin au fil des mois" He Zihong Syros, 2003
"Chroniques de Pékin" (collectif) Xiao Pan, 2008
"Gangs de Pékin" Ji'an iao Pan, 2009
"Coup de foudre à Pékin" Chloé Cattelin T. Magnier, 2017
"Un dernier soir à Pékin" G Zhao Glénat, 2022
Pékin, capitale... et le monde
"Cinq heures pour le sauver : Pékin : une médaille d'or pour le Tibet?" Eric Simard Oskar, 2008
"La fin du monde" Fabrice Colin Mango, 2009
"Opération Phenix" Franck Krebs (saison 1) Gallimard, 2009
"L'été à Pékin" E Fontenaille Le Rouergue, 2010
Pékin et symboles :
"Bonne année Minnie!" Walt Disney, 1993 (fêtes)
"Tian'an men" C Geiger Grandir, 1999 (sur Tian'an men 1989)
"Le petit empereur de Chine" M Amelin Bayard, 1997
"Pierre et françoise en Chine" G Fontugne Ed. de l'imprimerie, 1965 (jardins, gare, fêtes)
"Flora part à Pékin" A Bertron Bayard, 2000 (opéra)
"Zhong Kui" Chen J H Ecole des loisirs, 2001 (opéra de Pékin)
Autres titres...
"La Chine" P Landais Entre deux rives, 2003
"Chine : regards croisés" Casterman, 2009
"Li, la petite calligraphe" CJ Mercier Belin, 2006
"Timothée et le dragon chinois" F Shangdi Hatier, 2003