AH BAO
AH BAO / adapt. Ming Yang, ill. Zhang Zengmu Ed. en langues étrangères, 1984
Dans la province du Guangxi vivait autrefois un richard qui avait une fille de dix-huit ans qu'il chérissait, nommée Ah Bao. Amable et gracieuse, elle avait tout d'une fée.
Ah Bao est d'une grande beauté, mais en outre elle est douée pour les lettres. Très souvent, elle fredonne ou calligraphie des vers des poètes célèbres. Son poète préféré est Sun Zichu, un homme de lettres très connu à l'époque.
Sun Zichu est un jeune poète honnête et de belle tournure ; on lui reconnait un talent hors pair. Malheureusement il a une petite infirmité : il est né avec un doigt de plus attaché au pouce de la main droite.
Sun Zichu se comporte toujours en honnête homme plein de modestie. Ses amis le surnomment "Sun le naïf" parce qu'il prend toujours au sérieux leurs plaisanteies ou leurs blagues.
Un jour, il apprend par les bavardages de ses amis que la jeune Ah Bao va se choisir un mari. Plusieurs fils de riches se sont empressés de venir la demander en mariage, mais personne ne li a plu.
Par plaisanterie, ses amis le poussent à se présenter lui aussi comme prétendant. Comme, à les entendre, Ah Bao est belle et intelligente, Sun Zichu se laisse persuader.
Sun Zichu se rappelle soudain que la grand-mère Wang, sa voisine, a travaillé chez Ah Bao et la connait bien, il se rend chez elle pour solliciter son appui.
La grand-mère Wang explique au père de Ah Bao le motif de sa visite. Le richard, bien qu'il sache que Sun Zichuest un poète très renommé, ne veut pas de lui pour gendre en raison de sa pauvreté.
En s'en allant toute déçue, elle rencontre par hasard Ah Bao. Celle-ci, apprenant que c'est son poète préféré qui vient la demander en mariage, en est très contente. Cachant sa timidité sous une plaisanterie, elle dit "S'il veut bien se faire couper le doigt qu'il a en trop, je me marierai avec lui."
De retour chez Sun Zichu, la grand-mère Wang lui transmet les paroles de Ah Bao. Prenant ce désir au sérieux, il dit naïvement : "Ce n'est pas difficileà faire!" Il prend une hache, coupe son doigt et tombe évanoui de douleur sur son lit, au grand effroi de grand-mère Wang.
La grand-mère va rapporter cet incident à Ah Bao qui en est très touchée. Cependant, pour éprouver la fidélité du poète, elle pose encore une condition : "Dites-lui que, s'il ne fait plus de bêtises, je vais l'épouser!"
La grand-mère fait la commission. Rougissant jusqu'aux oreilles, il essaie de s'appliquer.
Sun Zichu voudrait bien épancher son coeur auprès de Ah Bao, mais il n'en a jamais l'occasion. Peu après, c'est la fete de Qingming où l'on honore les morts. Tous les citadins, vêtus de leurs plus beaux habits, vont se promener à la campagne. Ce sont les jeunes filles qui attirent le plus les regards.
Ce jour-là, ses amis invitent Sun Zichu à faire une promenade et le plaisanent en disant : "Ne voulez-vous pas voir votre amie de coeur?" Il espère en effet qu'il rencontrera Ah Bao et accepte de les accompagner.
Aux alentours de la ville, ils voient une jeune fille qui se repose assise sous un arbre. De jeunes galants la regardent furtivement. Sun Zichu les entend chuchoter : "Cette belle fille, c'est Ah Bao."
Il ne peut plus cacher ses sentiments d'autant plus qu'à la voir de plus près, il est clair que la beauté de la jeune fille mérite bien son renom.
En s'apercevant qu'un jeune lettré fixe son regard sur elle, Ah Bao détourne timidement la tête.
De jeunes galants font des remarques effrontées sur sa personne. Ah Bao, voyant que leur groupe grossit, s'empresse de s'en aller.
Sun Zichu, comme frappé de stupeur, la suit des yeux.
Voyant son air égaré, ses amis le taquinent :"Eh bien! Est-ce que ton âme est partie avec Ah Bao?" Sun Zichu ne répond pas. Ses amis l'accompagnent jusque chez lui.
En rentrant dans sa chambre, Sun Zichu tombe sur le lit, comme s'il sombrait dans l'ivresse.
Très inquiète, sa mère lui chuchote son nom à l'oreille ; il répond alors d'une voix à peine distincte : "Je suis chez Ah Bao!"
En effet, voyant Ah Bao s'éloigner, Sun Zichu avait été saisi de tristesse. Il lui semblait qu'il partait à sa poursuite et, tout en bavardant, l'accompagnait jusque chez elle.
La nuit, en rêve, Ah Bao revoit le lettré : assis à côté d'elle, il lu fait une déclaration d'amour. Quand Ah Bao lui demande son nom, il répond : "Je suis Sun Zuchu."
Trois nuits de suite, Ah Bao voit le poète dans son rêve. Ils sont inséparables, comme un cople heureux.
Chez lui, Sun Zichu, sans connaissance, est alité depuis trois jours. Sa mère, se rappelant soudain que son fils lui a dit qu'il était chez Ah Bao, se rend chez la grand-mère Wang pour lui demander d'aller informer Ah Bao de l'état de Sun Zichu.
Aux nouvelles que Wang lui apporte, Ah Bao, très etonnée, se dit : "Nos coeurs battent à l'unisson, c'est pourquoi nous nous rencontrons toujours en rêve. Je le sauverai."
La nuit suivante, Ah Bao voit de nouveau apparaitre Sun Zichu. Elle lui dit : "Je noublierai jamais tes sentiments profonds à mon égard. Je n'épouserai jamais personne d'autre que toi. Rentre chez toi et surveille bien ta santé. Aie confiance!"
Le lendemain matin, Sun Zichu reprend connaissance. Il a tout frais dans sa mémoire la promesse de Ah Bao. Mais, ce n'était qu'un rêve. Il brûle de revoir Ah Bao.
Un jour, apprenant que Ah Bao va faire un pélerinage au Temple de l'eau et de la Lune, Sun Zichu se poste au bord de la route.
Enfin, à midi, il aperçoit la charrette couverte de Ah Bao qu s'avance lentement.
La voiture approche : Sun Zichu aperçoit une jeune fille d'une grande beauté qui le regarde sans le quitter des yeux par l'ouverture des rideaux. C'est bien Ah Bao à qui il pense jour et nuit. Sun Zichu qui veut lui demander un gage d'amour, se lance en vain à la poursuite de la charrette.
Rongé de regrets, Sun Zichu est tombé malade dès son retour à la maison. Il ne fait que crier inlassablement ; "Ah Bao! Ah Bao!" Il garde le lit et ne veut ni boire ni manger.
Chose étrange, le jour même, le perroquet élevé par Sun Zichu est trouvé mort. Sun Zichu se dit : "Ce serait merveilleux si je pouvais me métamorphoser en un perroquet qui volerait chez Ah Bao!"
Comme il rumine ses pensées, il sent son corps devenir léger, très léger, tandis que son âme revet la forme d'un perroquet qui s'envole vers la demeure de Ah Bao.
De son côté, Ah Bao, de retour chez elle, pense sans cesse à Sun Zichu. Soudain, elle voit un perroquet sur l'appui de la fenêtre. Il vient se percher sur sa main.
Ah Bao soigne bien son perroquet qui ne la quitte jamais. Chaque jour, il ne prend de la nourriture que de sa main.
Quand Ah Bao s'assied, le perroquet se pose sur ses genoux.
Quand elle se coiffe, le perroquet se penche sur son nécessaire de toilette, et ne quitte pas des yeux sa maitresse.
Un jour, tandis que Ah Bao est en train de calligraphier des poèmes de Sun Zichu, le perroquet s'installe sur son épaule et appelle : "Ah Bao! Ah Bao!" Elle reconnait la voix, celle de Sun Zuchu.
Stupéfaite, elle laisse échapper son pinceau. Elle entend alors le perroquet lui dire : "Ah Bao, n'aie pas peur! Je suis Sun Zichu!"
Ah Bao lui dit d'une voix chargée d'émotion : "Je n'oublierai jamais ton amour sincère, mais comment une créature humaine comme moi pourrait-elle se marier avec un oiseau? Si tu transformes à nouveau en homme, je me marierai avec toi!" Le perroquet l'écoute tête penchée, puis s'écrie : "Surtout tiens bien ta parole!"
Incapable de contenir son émotion, Ah Bao s'agenouille et prononce ce serment : "Nous formerons un couple heureux notre vie durant!"
Ce jour même, Ah Bao confectionne un soulier brodé, le perroquet l'emporte dans son bec et s'envole.
De crainte que le soulier ne se perde en route, et soit ramasé par d'autres personnes, Ah Bao ordonne à une servante de se mettre immédiatement à la poursuite de l'oiseau.
Du seuil de la porte, la servante voit que le perroquet vole vers la demeure de Sun Zichu, elle se précipite pour ne pas le perdre de vue.
En arrivant chez Sun Zichu, elle voit le perroquet gisant à terre et ne sait que penser.
En effet, bien que Sun Zichu, métamorphosé en perroquet, ait vécu chez Ah Bao, son corps était toujours resté sur le lit. Il respire à peine. Sa mère le croit mourant et sanglante auprès de lui.
Quand le perroquet , portant un soulier brodé revient dans la maison, Sun Zichu se réveille et s'écrie : "Je veux le soulier de Ah Bao, c'est le gage d'amour qu'elle m'envoie!" Et il le serre contre son coeur.
Sun Zichu recommande alors à la servante : "Va dire à Ah Bao que son serment est gravé dans mon coeur!"
Revenue auprès de Ah Bao, la servante lui raconte tout ce qui s'est passé ; la jeune fille maintenant comprend tout.
Mais ses parents qui ont horreur de la pauvreté, ne veulent pas donner leur fille à Sun Zichu sans fortune. Ah Bao leur tient tête : "J'épouseai Sun Zichu et personne d'autre! Sinon je mourrai!" Les parents sont obligés de consentir au mariage.
A cette nouvelle, Sun Zichu est au comble de la joie. Ayant apporté un présent de noces, il épouse enfin Ah Bao.
Après le mariage, ils vécurent en parfaite harmonie et passèrent leurs jours dans le bonheur.