SOUS LE COCOTIER

SOUS LE COCOTIER / Ye Tan ; ill. Lin Wan-Tsouei Ed. en langues étrangères, 1965

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Il y avait, il y a quelques années, au sud de l'île de Hainan, un petit garçon de nationalité Li qui s'appelait A-wou. Hainan est, de toute la Chine, la région où le climat est le plus doux. D'un bout à l'autre de l'année, partout s'épanouissent des fleurs, poussent des cocotiers, des bananiers, des cannes à sucre, et bien d'autres plantes dont on ne connait pas le nom. Là-bas se passent, dit-on, des choses étranges et amusantes : les poissons sauteraient d'eux-mêmes dans les barques, les singes feraient irruption dans les maisons... Les habitants de Hainan sont travailleurs et courageux.

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La maison de A-wou se trouvait en lisière d'une forêt de cocotiers. Derrière il y avait une haute montagne, le Woutchechan ; devant c'éttait la mer, verte comme du jade. Vraiment, c'était un très beau paysage. Le père de A-wou, chasseur courageux, ne chassait que le sanglier et les serpents venimeux. Sa mère brodait habilement sur les habits les plus belles fleurs.

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A-wou, bien qu'il n'eût que dix ans, savait déjà grimper dans les cocotiers et reconnaitre les serpents vénimeux. Il avait même capturé une biche qui avait fait irruption dans le village. Ce qui le chagrianit pourtant, c'était de ne pas avoir encore de fusil de chasse. Car ainsi, il ne pouvait pas égaler le courageux chasseur qu'était son père.

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A-wou avait deux grands amis : l'un, son voisin A-hsiao, l'autre, Ta-hei, son chien de chasse. Petit de taille, A-hsiao n'avait que sept ans et était fort peureux. Il avait peur des serpents, des sangliers, même des singes.Quelquefois, il se mettait à pleurer sans raison. Mais A-wou l'aimait et le traittait comme son frère cadet. A-hsiao lui aussi aimait A-wou et le considérait comme son grand frère. Jamais ils ne se querellaient. Ta-hei n'était pas un chien ordinaire. Rien qu'en dressant un peu les oreilles, il pouvait entendre un bruit à plusieurs lis de distance. Ses yeux éteincelaint comme des feux. Il était capable de déchirer un sanglier en mille morceaux. Mais avec son petit maitre, il était doux et obéissant.

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Mais voici qu'un triste matin les soldats japonais envahirent l'île de Hainan. Le malheur s'abattit sur le pays natal de A-wou ; les uns furent tués, d'autres s'enfuirent.

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Les soldats japonais, de peur que les habitants ne résistent, avaient réquisitionné tous les fusils de chasse. Les villageois eux, s'étaient retirés dans la montagne. Le père de A-wou, privé de son fusil, ne pouvait plus aller à la chasse et ainsi la vie était devenue très dure. A-wou détestait profondément les soldats japonais.

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Un jour, un partisan vint trouver A-wou et A-hsiao pour les charger d'une mission de reconnaissance au pied de la montagne. Comme ils étaient petits, l'ennemi n'y ferait pas attention. A-wou et A-shiao, enchantés, crièrent en choeur : "Nous accomplirons notre mission!"

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Le lendemain au petit jour, les deux enfants se mettaient en route, emmenant le chien Ta-hei. Vers midi, comme ils arrivaient à l'entrée du village, un camion chargé de soldats japonais s'approcha et s'arrêta non loin d'eux. Deux soldats sautèrent du camion et se mirent à en décharger des bois. Un autre, durant ce temps, montait la garde, un fusil à la main.

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Mais le soleil était ardent et les soldats japonais furent bientôt tout en sueur. Regardant les noix de coco ils marmottaient. Ils avaient sûrement envie d'en manger. Mais visiblement aucun d'eux ne savait grimper si haut.

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A-wou et A-shiao, eux, les observaient. A-wou regardait tout particulièrement le fusil que prenait la sentinelle. Il brûlait d'envie de se précipiter sur elle, de la renverser et de lui arracher le fusil.

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Les soldats japonais aperçurent alors A-wou et A-hsiao et les saluèrent en montrant les noix de coco. Comprenant leur idée, A-wou choisit un cocotier bien chargé et, en un clin d'oeil, atteignit le sommet de l'arbre. Il fit alors tomber les noix l'une après l'autre, tandis que les japonais, très contents, disaient en chinois sur un ton très grotesque ; "très bien, très bien."

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Mais une fois les noix cueillies, il fallait encore les ouvrir pour pouvoir en boire le lait. A-wou expliquait aux soldats qu'ils trouveraient des couteaux dans le village. Aussi, assoiffés, deux des japonais suivirent les enfants, se disant qu'après tout le village n'aitait très pas très éloigné de la route. En partant, A-wou fit un geste de la mainà Ta-hei, lui demandant de surveiller la sentinelle japonaise.

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Mais A-hsiao ne comprenait guère pourquoi A-wou flattait tant ces soldats japonais. Sur le chemin, A-wou lui confia tout bas son idée.

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Ils conduisirent les japonais jusqu'au village. Là, A-wou, ayant trouvé une serpette, fendit les noix. Les deux soldats, assis par terre, buvaient le lait gloutonnement. A-wou fit signe à A-hsiao de rester près d'eux et de les surveiller. Il avait encore deux noix de coco et s'en alla les porter au soldat japonais qui montait la garde près du camion. Celui-ci, voyant les noix de coco, déposa son fusil, pris les noix et se mit à boire. Profitant de son inattention, A-wou saisit subrepticement le fusil et s'enfuit.

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Après avoir bu, le soldat s'aperçut tout à coup que son fusil avait disparu. Voyant alors A-wou s'enfuir, il jeta la coquille de noix de coco et se mit à le poursuivre. A-wou portait un fusil beaucoup plus grand que lui. Ne pouvant courir très vite, il allait bientôt être rattrapé. Effrayé, il appuya sur la gâchette. Un coup partit mais la balle alla s'enfoncer dans une branche et le japonais, ayant compris qu'A-wou ne savait pas tirer, le poursuivit de plus belle. Le courageux Ta-hei, lui, harcelait le soldat en aboyant furieusement.

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Ayant entendu le coup de fusil, les deux soldats japonais qui se trouvaient dans le village jetèrent les noix de coco et s'enfuirent en direction du camion croyant que les partisans arrivaient. La sentinelle avait disparu. Effrayés, les deux japonais se précipitèrent dans le camion et démarrèrent.

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Aux aboiements de Ta-hei, A-hsiao comprit qu'il se passait quelque chose. A toutes jambes il se précipita vers la forêt de cocotiers.

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Quant à A-wou, toujours suivi par le japonais, il était arrivé à la lisière de la forêt. Où aller? Devant lui c'était la mer. Rentrant dans la forêt il reprit sa course, toujours chargédu lourd fusil. Malheureusement buttant contre un tronc d'arbre, il tomba de tout son long. Profitant de l'occasion, le soldat japonais se précipita sur lui, le maintint à terre, lui arracha le fusil des mains et partit d'un éclat de rire narquois. Mais ses rires devinrent très vite des cris, car Ta-hei avait bondit sur lui. Il déchirait ses habits, le mordait aux bras, fit tomber son casque qui roula par terre. Furieux, le soldat japonais tira sur Ta-hei qui tomba mort sur coup.

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A-wou en avait profité pour se relever et reprendre sa course. Levant le fusil, le soldat s'apprêtait déjà à tirer lorsqu'un bruit sourd se fit entendre. C'était une noix de coco grosse et lourde, qui venait de frapper à la tête le soldat japonais qui s'affaissa silencieusement.

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Mais d'où venait cette noix de coco? C'était notre silencieux A-hsiao qui l'avait fait tomber du haut d'un cocotier. A-wou s'approcha de lui, le serra dans ses bras, l'embrassa sur le nez comme il est de coutume à Hainan. Mais A-hsiao aussitôt l'écarta parce que le japonais, quoi-qu'asommé, vivait encore. Comment faire? A-hsiao était d'avis de le tuer pour venger Ta-hei. Mais A-wou proposa de le ligoter, de l'emmener dans la montagne et de le conduire auprès des partisans. A-hsiao approuva.

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A-wou ramassa quelques lianes et attacha étroitement le prisonnier. A-hsiao alla puiser de l'eau à la mer avec le casque et la versa sur la tête du japonais. Peu après, celui-ci reprit connaissance. A-wou et A-hsiao l'emmenèrent dansl a montagne et le remirent, lui et son fusil, aux partisans.

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A-wou et A-hsiao plantèrent un cocotier où était mort Ta-hei. Aujourd'hui, le cocotier est devenu très grand. Les enfants du village aiment, quand le jour tombe, s'asseoir au pied du cocotier et écouter leurs parents leur raconter comment deux petits héros ont pris une sentinelle pendant la Guerre de résistance anti-japonaise.

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