REGARDS CROISES : MONGOLIE
REGARDS CROISES : MONGOLIE
coordination : Umberto Signoretti
avec la collaboration de Sébastien Mameur et la librairie Papillon, Munkhzul Rinchin
traduction du mongol : Munkhzul Rinchin
"La Mongolie dans l'édition pour la jeunesse" U Signoretti
"La Mongolie vue de France" : avec la participation d'Evelyne Brisou-Pellen, Armelle Modéré
"La Mongolie vue de Mongolie" : avec la participation de Munkhzul Rinchin, Lodon Tudev, Enkhtur Soyol-Erdene, Luvsandorj Ulziitugs, Gun-Aajav Ayurzana
"Ma petite maison ronde" Baasansuren Bolormaa Ed. Rue du monde
"La Mongolie dans l'édition jeunesse" - U Signoretti
La production éditoriale est plus importante ces dernières années ; la Mongolie est devenue un peu à la mode en France, grâce entre autre à ses yourtes. Cependant, les yourtes françaises ne sont pas conçues pour accueillir des occupants pauvres et la télévision nous fait rêver avec des documentaires sur les steppes et les chevaux. Le cinéma nous a fait découvrir la dure réalité mongole mais aussi des régions voisines. Cependant deux films seulement ont eu un certain succès en France, comme le chien jaune de Mongolie, certes réaliste mais favorisant un point de vue idyllique sur ce pays.
Si l'on devait résumer la Mongolie à travers les livres pour enfant, ce serait l'histoire d'une petite fille qui vit avec sa famille sous une yourte se préparant à la plus grande course de chevaux.
Il faut lire d'anciens livres pour découvrir les racines mongoles, comme la vie de Gengis Khan (Temoudjin, l'enfant des steppes).
"L'enfant de la taïga" est un documentaire assez proche de ce que l'on peut trouver aujourd'hui pour ce qui concerne la vie nomade, à la différence que ce dernier propose des photographies.
Certes, les visages sont souriants mais la photo n'éfface pas la réalité sociale, le froid, le manque de confort, l'usure des vêtements.
Avec Sensha (Sensha fille de Mongolie), la capitale est évoquée: cette petite fille est triste de laisser derrière elle le confort et le luxe de la capitale ; certes son oncle lui fait bien comprendre que tous les mongols de la capitale ne vivent pas dans le luxe mais elle est bien épargnée.
Les deux mondes ville/steppe ne sont pas confrontés mais complémentaires.
Dans le Journal d'Anatol, les mongols des steppes découvrent la misère de la capitale mais les voyageurs ne s'intéressent qu'à la vie nomade.
La Mongolie rêvée, c'est l'histoire du chien jaune de Mongolie : une famille unie vivant sous une yourte dans la steppe ; Nansaa s'épanouie en ramassant des bouses de yacks, en gambadant dans la steppe... La yourte est colorée, confortable et la modernité ne manque pas. La dureté de la vie et les tâches quotidiennes ne sont donc qu'à peine évoquées. Ramasser la bouse de yack est une récréation et préparer la cuisine est presque une fête.
C'est une multitude de couleurs et de tissus qui sont montrés : nos héros doivent bien s'habiller pour participer aux fêtes.
Presque toutes les histoires nous content cette petite fille courageuse qui se bat pour participer à la plus grande course de chevaux.
Avec la cavalière des steppes, la jeune Oulane va même combattre un puissant seigneur des steppes qui veut li voler son cheval. Presque toutes les histoires abordent la fête du Naadam
Si certains albums évoquent la vie à l'intérieur d'une yourte, voir le montage et le démontage, presque tous abordent le repas.
Alma l'héroine bat le lait de jument pour faire l'airack, la boisson que boivent les grands cavaliers. Nara en boit et partage avec son copain une queue de mouton.Yua apprécie la soupe de mouton et les beignets préparés par sa grand-mère. Seuls les occidentaux de passage (Journal d'Anatole Frot) ont du mal à s'habituer à la vue des intestins et du crâne de la chèvre mis dans leur assiette.
La Mongolie est vraiment un décors rêvé pour les vacances et être totalement libre. Le climat semble tout juste modérer cette carte postale.
La tempête de neige est une bonne occasion de vivre l'aventure et s'affirmer comme héros. Yua se perd, ainsi que le petit frère de Nansaa. Alma évoque l'hiver qui dévore les troupaux: seuls les bons cavaliers peuvent les sauver.
La Mongolie c'est aussi la Chine : de ce côté de la frontière, la Mongolie intérieure n'est pas un terrain de jeu pour les jeunes filles. C'est un territoire hostile, rude. Les enfants deviennent des héros bien malgré eux : le jeune pâtre Tchaolou et les deux soeurs vont affronter l'hiver, se perdre dans la tempête et risquer leur vie pour ramener les troupaux.Tandis que les deux soeurs se déplacent à pied, le jeune pâtre lui, utilise un chameau.
Ces jeunes héros chinois servent la propagande maoïste dans un pays moderne : en témoignent les pylones électriques, signe de modernité (voir article) devant lesquelles les deux jeunes soeurs prennent la pose sur la couverture du livre.
La Mongolie est encore un grand terrain de jeu où la vie est douce et idyllique. Les mongols dans leur yourte dans un décors de carte postale rêvent de gagner la course de chevaux. Nos héros sont des filles.
l'article complet, illustrations et bibliographie (cliquez)
"La Mongolie vue de France"
Evelyne Brisou-Pellen
nAprès une enfance au Maroc et en Bretagne, elle devient enseignante après des études de lettres ; carrière interrompue à la naissance de ses enfants. Elle écrit en 1978 dans des revues pour la jeunesse avant de publier son premier roman en 1980. Toujours une référence pour les jeunes lecteurs, E Bisou-Pellen a publié de nombreux romans sur le Moyen-age. En 1984, nous découvrons "Prisonnière des mongols" (éd. Rageot), une des rares fictions, richement documentée, sur la Mongolie...
Avec vos romans, vous parcourez le temps et le monde ; lorsque vous avez écrit “Prisonnière des mongols”, la Mongolie était bien moins connue et explorée par les auteurs pour la jeunesse.
Comment avez-vous décidé de situer cette histoire dans ce pays?
En réalité, c’est à la Chine ancienne que je m’intéressais. Puis je me suis aperçue de son histoire et sa culture avaient été très bousculées par l’invasion mongole. Je me suis alors penchée à ce peuple de si grande influence.
Aviez-vous des connaissances de ce pays?
Comment vous êtes-vous documentée?
Si vous deviez écrire un nouveau roman se situant en Mongolie, que souhaiteriez vous évoquer?
Peut-être le choc des voyageurs occidentaux du moyen-âge en rencontrant ce peuple. Je m’intéresse spécialement aux différences.
Avez-vous des projets de récits se déroulant en Asie? Sinon?
Cela fait longtemps que je n’ai pas travaillé sur l’Asie. Pour l’instant, je suis attelée à la série Le Manoir – mais rien ne m’empêche d’y intégrer un jour une aventure en Asie…
Vous êtes surtout connue des jeunes lecteurs pour vos albums traitant de l’univers des petits ; comment et pourquoi sont nés deux albums dont l’histoire se passe en Chine et en Mongolie?
Ces pays m'ont toujours fait rêver. Mon oncle y allait en voyage et nous ramenait des baguettes ou bien des tongs en bois. Comme je n'ai jamais voyagé, je me suis dit que l'occasion pouvait se présenter à travers les livres. Je me suis beaucoup documentée sur les pays concernés, ai rajouté une dose de fiction dans mes histoires. C'est comme si j'y étais allée faire un tour! ....même si la réalité n'est sans doute pas comparable.
J'ai aussi correspondu avec des personnes qui y étaient allées, elle m'ont fait parvenir des photos , elles m'ont aussi permis de les utiliser, j'ai ainsi pu faire mes propres personnages, avec leur vêtements traditionnels et leur chapeaux, voire même certains décors, j'ai aussi le souvenir de photos d'enfants très mignonnes! C'était pas évident de les dessiner, leur faciès surtout, ce n'est pas le genre de dessins que je fais habituellement.
Vous êtes vous documentée pour dessiner des caractéristiques mongoles?
Oui beaucoup!
Internet, livres de photo , correspondance avec des personnes ayant visité ces pays, et une amie qui vient de là bas et qui s'appelle Jua
Comment est née cette histoire?
Elle est née du désir d'écrire une histoire sur la relation entre une petite fille et son cheval, si possible une petite fille asiatique, j'avais envie que l'histoire se passe dans ces décors là, la mongolie s'est tout de suite imposée. Je voulais aussi, bien que mon histoire soit une fiction, de vrais décors , de vrais personnages, de vraies habitudes de vie.
Et c'est aussi par hasard que j'ai découvert la collection "rêves de voyages" chez Belin , et quand j'ai fini mon histoire, je les ai contactés pour savoir si mon projet leur plaisait, ils ont accepté de suite. Mon livre collait exactement à ce qu'ils souhaitaient et c'était un peu hasard!
Yua, l’héroïne est une petite fille. Une grande majorité d’ héros dans les histoires se déroulant en Mongolie sont des petites filles : pensez-vous qu’il y a une raison à cela? Pourquoi avez-vous fait ce choix?
Je ne saurai pas dire! le cheval va très bien avec une petite fille, sinon, mon histoire aurai été plus basée sur le concours, peut-être , c'était moins romantique, moins touchant ( je voulais aussi une histoire tendre et douce )
Si vous deviez créer un nouvel album en rapport avec ce pays, quelle histoire aimeriez-vous raconter? Avec quelles techniques d'illustrations?
Je ne sais pas, ce serait surement une histoire sur la relation avec la terre , le courage, toujours avec un enfant, un animal et un adulte qui montre le chemin. Technique: aquarelle bien sûr!
Armelle Modéré sur son blog (cliquez ici)
"La Mongolie vue par les Mongols"
Munkhzul Rinchin
Née: 1975 à Oulan-Bator, Mongolie
Formation : 1983-1993 Ecole secondaire russe
1993-1997 Institut des Hautes Etudes Internationales de l’Université Nationale de Mongolie, diplôme de Spécialiste des relations extérieures, option français
2010-2012 : Université des Sciences Humaines, diplôme de traducteur d’anglais
1995-2007 : Guide-interprète pour diverses agences de voyage français/mongols
2007 à ce jour : Directrice de Tour Operateur « Destin Nomade »
2008 : Coordinatrice de l’ONG « Action Mongolie »
2008-2013 Traductrice-interprète à « Areva Mongol »
2013 : Assistante de Direction « Eurofeu » et « Librairie Papillon »
2013 à ce jour : Assistante de l’ambassadeur à l’Ambassade de France
1995 : Traduction du russe des séries d’articles sujets variés pour le magazine pour enfants « BI BI BI »
2007 : Traduction du français « Les contes bleus du chat perche » de Marcel Aymé
2013 : Traductions et interviews pour le magazine francophone de Mongolie « Papillonnage »
2014 : Traduction du mongol du livre « Comment j’ai découvert le monde » de L. Tudev, le plus grand auteur mongol contemporain.
2014 : Traduction du mongol du livre « Comment Mazaakai et Mugakai ontsauvé la planète » de l’auteur E. Soyol-Erdene (publication en projet)
- 1. Comment est né votre intérêt pour la culture française, d'une part, et la littérature pour la jeunesse d'autre part?
Après mes 4 années d’études supérieures, je suis allée en France pour découvrir le pays, le centre de la culture occidentale. J’y suis restée 10 ans et j’y ai fondé unefamille. En me promenant dans des librairies françaises avec mes enfants, je netrouvais aucun livre sur la Mongolie, à part quelques albums photo ou des guidestouristiques. Ma fille, à l’âge de 6-7 ans, regardait souvent des films de princesses Disney. Aprèsavoir decouvert Cendrillon, Aurore et Blanche Neige, nous avons acheté Jasmine, Pocahontas et Mulan… Elle a été déçue de découvrir que les mongols avaient le rôle des méchants dans le film Mulan. Dans les rares livres pour enfants sur la Mongolie, les mongols sont les méchants. Mes deux enfants m’ont dit à peu près au même âge « Maman, dit-leur que ce n’est pas vrai ! Nous ne sommes pas méchants.»
- 2. L'image de la Mongolie dans le livre pour enfant, en France (ou traduit), nous relate le plus souvent l'histoire d'une jeune fille qui rêve de gagner une course de chevaux.
Quelle image ou histoire aimeriez-vous trouver dans ces livres?
J’aimerais faire connaitre mon pays et ma culture avec toute sa richesse et son histoire à travers la littérature, avec des livres qui évoquent le courage et la force des guerriers mongols, la beauté et la patience des princesses mongoles. Les enfants découvrent le monde en lisant les histoires et les contes. La littérature pour la jeunesse est une partie inséparable de la découverte du monde et du développement des enfants.
Cette image du pays telle qu’elle est perçue par le regard d’un écrivain étranger doit exister, mais il doit aussi y avoir des versions d’écrivains mongols pour offrir un point de vue complet.
- 3. Voyez-vous une évolution de notre regard français sur la Mongolie?
Il y a quelques années, les français ne connaissaient pas la Mongolie. Grace aux nombreux reportages sur le pays ces dernieres années, les français connaissent mieux le pays aujourd’hui. Des livres tels que « Le loup mongol» d’Homeric, « Le totem du loup » de Jiang Rong (l’histoire se passe en Mongolie Intérieure) contribuent a l’évolution du regard français sur la Mongolie.
- 4. Vous avez traduit M Aymé, travaillé à la librairie Papillon et pour des magazines jeunesse... Quelles sont les demandes des jeunes lecteurs mongols? Qu’aiment-ils lire?
Les jeunes filles semblent aimer des histoires romantiques et de l’heroic fantasy, alors que les garçons préfèrent lire de la science fiction.
- 5. Le livre pour enfant est-il très accessible pour les jeunes lecteurs?
Il y a suffisamment de livres pour enfants chez nous. Mais je pense que les jeunes d’aujourd’hui lisent maintenant moins que les jeunes générations précédentes.
- 6. Si vous deviez proposer un texte français (traduit) à un jeune mongol, quel serait-il?
« Les chevaliers d’émeraude », d’Anne Robillard.
- 7. Les livres mongols sont peu connus en France et pourtant, nombre d'entre eux proposent des histoires universelles pouvant toucher largement les jeunes francophones...
Pensez-vous que nous avons une chance dans un avenir proche d'en découvrir quelques titres?
La traduction en français du livre du très grand auteur mongol L.Tudev « Comment j’ai découvert le monde » vient de sortir en 2014. Ce livre a été élu comme un des meilleurs livres du monde pour enfant en 2011. Ce sont des récits biographiques d’un petit garçon né dans la steppe mongole qui va à l’école, qui garde ses troupeaux de moutons, qui chasse avec son petit frère. Le conte écologique pour enfants « Comment Mazaakai et xxx ont sauvé la planète» a aussi ete traduit en français. Le Mazaalai, ours du Gobi, existe uniquement en Mongolie et il n’en reste plus que 22 en tout. L’antilope Saiga est aussi en voie d’extinction. Ce sont les deux principaux héros du conte qui se battent pour sauver la planète. J’aimerais que cet ouvrage soit publie en francais.
- 8. Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans la traduction et la publication de livres en Mongolie?
La civilisation nomade est très différente de la civilisation sédentaire. Parfois, il est impossible de traduire des mots désignant des objets et des concepts qui n’existent pas dans l’autre culture. Chez nous, ce sont les auteurs ou les traducteurs qui prennent en charge les frais de publication, et qui doivent trouver des acheteurs pour pouvoir se rembourser. Il faut travailler sur le livre, avoir de l’argent pour le faire éditer et pour le vendre.
- 9. Pouvez-vous nous parler de vos projets?
Je me lance aussi dans la littérature pour adultes, qui est la continuité et l’évolution de la littérature pour jeunesse et j’espère pouvoir terminer le livre sur lequel je travaille dans le courant de cette année.
Lodon Tudev
Né le 9 février 1935 dans une famille d’éleveurs dans la province de Gobi-Altai. Héros du travail de Mongolie (plus haute distinction décernée dans le pays), médaille du Mérite dans le domaine de la Culture (équivalent des Arts et des Lettres), Lauréat du Prix d’Etat, docteur, professeur honoraire de l’Université Nationale de Pédagogie.
1956 : professeur à l’école de Gobi-Altai.
1961 : secrétaire littéraire du magazine « Parti »
1962 : responsable du magazine “Culture et littérature”.
1964 : 3 ans de préparation et obtention du doctorat a l’académie des sciences sociales de l’URSS
1968 : Vice-président de l’Union des écrivains mongols.
1974 : Prseident de l’Union des écrivains mongols.
1975 : premier secrétaire du comité central de l’Union des jeunes révolutionnaires de Mongolie.
Livres traduits en russe :
• Feu de foret Moscou 1965
• Torrent de montagne Moscou 1967
• L’étoile polaire nous montre le chemin Moscou 1968
• Bonheur Moscou 1973
• Comment j’ai découvert le monde Moscou 1974
• Немеркнувшая звезда УБ.1977
• Sommet Moscou1978
• Юность на марше М.1981
• National et international dans la littérature mongole Moscou 1983
• Nomadisme et sédentarité Moscou 1983
• Première année de la République УБ.1989
Livres traduits dans d’autres langues
• Тау Таскыны (en kazakh) 1971
• Горны паток (en biélorusse) 1971
• Сухэботир (en ouzbek) 1971
• Сонгу Чуктүн Шолбанынче (en tuva) 1971
• Вiдкриваючи свim (украйen ukrainien) 1977
• Misko gaisras (1979)
• Volaca Tui Ukazem , Brativlava 1979
• The colour will come alive УБ.1994
• Two aspens УБ.1994 etc
Nouvelles :
• Bonjour les enfants (poèmes)
• Les amis (récits)
• Mémoires d’un chasseur (өгүүллэгүүд)
• Sentier dangereux (récits)
• Torrents de montagne (roman)
• Les gosses (nouvelles)
• Décoration ratée (nouvelles)
• Migration (roman)
• L’étoile polaire nous montre le chemin (récit documentaire)
• Les gens de la campagne (nouvelles)
• Eau d’éternité (récit)
• Comment j’ai découvert le monde (récit)
• Sommet (recueil de poèmes)
• Nomadisme et sédentarité (roman)
• Intelligence (récit)
• Les rencontres inoubliables passées inaperçues (nouvelles pour jeunesse)
• Les gens d’aujourd’hui (récit, nouvelles)
• Première année de la République (roman politique)
• Temple sans plafond (roman)
• A toi, la révolution (roman documentaire)
• Cercle (anthologie)
• Place d’un pouce (épique)
• Ciel bleu au-dessus, terre brune en-dessous (essai)
• Méfiez-vous de l’infortune (récit)
• Les trois portes du pêché (œuvre)
• Progéniture (roman de science fiction)
Films
• Avant de monter de rang
• Ma Mongolie
• Bataille dans le Gobi Khyngan
• Epopée des cinq lacs
• L’antilope Saiga
Journalisme et autre livres
• Dans le pays de Bulgarie
• Sur une révolution
• Sous le soleil de ce monde
• Education parfaite
• Education, question complexe
• Les gens
• Problème
• Dans le cosmos avec les ailes de l’amitié
• Chaque famille est une usine, chacun est un producteur
• De l’eau au feu, du feu a l’eau
• Education incomplète
• Pluie de mots
Il est difficile de parler de littérature jeunesse en Mongolie, sans évoquer L Tudev, important auteur de ce pays. Agé de 79ans, il a accepté de nous dire quelques mots sur son regard à propos de la littérature française en Mongolie.
Le mot « humanité » aurait la même origine que le mot mongol “Khumun” (хүмүүн) personne, être vivant. Il existe même un journal français qui s’appelle l’Humanité.
Pour moi, la France est le père de la littérature mondiale. Car la France est à l’ origine des différents mouvements littéraires du 20eme siècle:
Réalisme, surréalisme, naturalisme, romantisme, symbolisme, classicisme et futurisme
La France est aussi la mère de la littérature mondiale pour la jeunesse. Nous connaissons tous la différence entre le rôle d’un père et celui d’une mère.
Les mongols citeront spontanément des œuvres d’auteurs français tels que H. de Balzac, A. Dumas, JP. Sartre, V. Hugo, E. Zola, A. Camus, A. France, car leurs livres ont été traduits du russe en mongol. L’intelligentsia mongole a du lire directement en russe toutes les œuvres classiques des auteurs français. A cause des barrières linguistiques, nous n’avons pas eu la possibilité de découvrir les œuvres des auteurs français contemporains.
L Tudev se fait entendre enfin en français avec la traduction de son livre "Comment j'ai découvert le monde", présenté au salon du livre asiatique de Paris, en septembre 2015
Enkhtur Soyol-Erdene
Né le 1975.07.29. Province de Bayankhongor aimag, Mongolie
Chercheur littéraire, critique et professeur de la langue et de la littérature mongole.
Ecole d’études mongole auprès de l’Université National de Mongolie\1992-1996\
Ecole secondaire de 10 ans du sum Murun, Province de Khuvsgul aimag\1991\
Journaliste du service socioculturel de la presse centrale du gouvernement «Les informations du gouvernement » \1996-1998/
Journaliste du service d’informations politiques du journal central d’Etat « Ardiin Erkh » \1998\
Journaliste parlementaire au service des informations politiques et internationales du quotidien national “Udriin sonin \1999-2002\
Secrétaire responsable et chef du service politique et internationale du quotidien national “Mongoliin Medee” \2002-2009\
Editeur et rédacteur du journal auprès du ministère de l’agriculture “Fermier mongol” \2009-2011\
Journaliste et rédacteur général du magazine écologique « Nogoon erel » \de 2011 à ce jour\
Prix de l’union des journalistes mongoles « Stylo en acier » \2001\
“Premier prix de la presse et de communication \2010\
-Roman “Malchanceux”
-Roman “Les yeux de corbeau”
-“Comment Mazaakai et Mugakai ont sauve la planète” conte pour enfant
Comment êtes-vous venu à la littérature pour enfant?
J’ai toujours aimé la nature. Malheureusement, la rivière dans laquelle je me baignais quand j’étais petit est asséchée. A la place de sa fraicheur je suis accueilli par la tempête de sable.
Il n’y a plus non plus de marmottes qui emplissaient les vallées. Aujourd’hui, cet animal est sur le point d’être protégé par le Livre rouge, et l’Etat mongol a interdit la chasse à la marmotte. Alors qu’avant on pouvait les chasser à travers les bords relevés de la yourte. Elles étaient vendues par dizaines de milliers pour leur peau et leur viande. Le même destin tragique a frappé aussi les gazelles de la steppe et les antilopes saïga. Les vagues de ces animaux rapides sont peu nombreuses aujourd’hui. Il est difficile aujourd’hui de voir des bouquetins, des mouflons, des lynx, des léopards des neiges, des chameaux sauvages, des ânes sauvages, qui étaient nombreux il y a 20 ans.
On peut voir dans la Mongolie actuelle l’image de l’occident d’il y a quelques siècles. Les chercheurs d’or détruisent jour et nuit la nature. Ces chercheurs d’or illégaux, les grosses sociétés minières mongoles et étrangères transforment la nature en enfer.
J’ai pensé qu’il était plus efficace d’expliquer cette menace aux enfants par des images littéraires que par des discours de politiciens. J’ai eu envie de contribuer au développement des enfants, qui sont notre avenir. Je ne voulais pas qu’ils reproduisent nos erreurs. Ne pouvant pas imaginer notre avenir sans fleurs, sans papillons, sans rivières, sans montagnes, je me suis mis à écrire, car c’est le seul moyen que j’avais de m’exprimer.
Le vent aride et sec de la steppe. J’étais un enfant morveux aux joues rouges et couperosées, les pieds nus l’été. Je me revois en train de scier un gros tronc d’arbre, tremblant de froid
en l’hiver. Je jouais, j’apportais de l’eau de la rivière, et ramassais des bouses séchées, je glissais sur une luge en bois, je jouais au hockey sur glace avec une boite de conserve aplatie, je faisais une bataille avec des pierres, tirais à la fronde sur les moineaux. Je me souviens avoir cassé la fenêtre du voisin avec ma fronde. Notre voisin me ramenait chez mes parents en me tirant par les oreilles. Je revois encore mes parents qui se dressaient tout inquiets. J’aimais manger les beignets de ma mère après une longue journée de jeu. J’ai découvert la télé à l’âge de 10 ans.
Quelqu’un de ma famille avait reçu une haute récompense d’Etat et sa photo a été affichée sur le tableau d’honneur de notre province. Mon oncle m’avait dit : « Si tu travailles autant que lui ta photo sera aussi affichée sur le tableau». Je l’avais cru et j’ai coupé du bois, apporté de l’eau, et balayé la maison pendant trois jours. Après, j’ai couru pour voir ma photo sur le tableau.Je me revois en train de voyager à coté de mon père, journaliste correspondant local, de la presse centrale « Unen ». On découvrait beaucoup de beaux sites du pays et on rencontrait de nombreuses personnes intéressantes grâce à son métier.
Trouve t-on beaucoup de livres pour enfants en Mongolie?
Pour moi, il n’y a pas assez de livres pour enfants actuellement. A part 2-3 célèbres bandes dessinées, les auteurs pour enfants sont peu nombreux aujourd’hui.
Quels livres les jeunes mongols peuvent lire?
Je remarque que dans la littérature pour la jeunesse les sujets tels que la magie, les batailles dans lesquels les gentils gagnent sur les méchants, l’emportent plutôt sur les sujets tels que l’amitié, l’honnêteté et le respect des aines.
Les enfants changent avec le temps, leur mentalité évolue. Je pense qu’il faut écrire des livres qui correspondent à cette vitesse de développement.
La littérature enfantine est-elle ancienne en Mongolie?
On peut remonter la littérature pour la jeunesse au 13eme siècle, car dans « l’Histoire secrète des Mongols », on trouve souvent des images d’enfants. Dans d’autres mémoires, telles que « Les arguments d’un orphelin » on peut découvrir un garçon orphelin qui, grâce à son intelligence et à ses arguments, surpasse les neufs compagnons de Chinggis Khaan ; dans le livre « Oyun tulkhuur » on découvre des poèmes sur la moralité, des leçons sur le bien et le mal.
Les mongols élevaient leurs enfants grâce à la tradition orale, aux contes et légendes. L’image d’un petit garçon de trois ans qui bat un ogre à plusieurs têtes a l’aide de son cheval magique revient souvent.
Les proverbes, les devinettes jouaient aussi un rôle important dans l’éducation des enfants.
A partir de 1921 on a commencé à trouver des livres avec un auteur identifié.
Le sujet de l’époque était la révolution, l’importance d’apprendre et d’étudier.
Les années 1930 ont révélé la dictature des moines, par exemple “Le feu de l’encens ». L’élève d’un moine refuse d’apprendre les livres religieux, et apprend à lire en cachette la nuit.
Dans les années1940-1950, la Mongolie a senti la fumée de la 2eme guerre mondiale. Le thème dominant était l’histoire d’un petit garçon insouciant devenu grand et qui effectue son service militaire pour protéger sa patrie, ou un petit garçon resté au foyer qui essaie de défendre sa maison et sa famille face aux ennemis, ou un orphelin devenant quelqu’un de bien.
Entre 1960 et 1990, des écrivains tels que L. Badarch, Ts. Ulambayar, D. Tsevegmid, Ch. Lodoidamba incitent les enfants à travailler, à aimer leur pays, le parti, à devenir de bons citoyens. Le récit biographique « Comment j’ai découvert le monde » de Lodon Tudev est le plus célèbre parmi les œuvres de cette période. Je profite de l’occasion pour vous annoncer que ce livre a été traduit en français par R. Munkhzul.
La littérature pour la jeunesse a connu une rupture entre 1990 et 2000. On constate un redémarrage progressif depuis le début des années 2000.
Peut-on lire des livres jeunesse traduits?
Jusqu’en 1990 un seul parti politique dominait, contrôlait et endoctrinait le pays. Le passage à la démocratie a été suivi par une période de pauvreté. A cette époque les gens achetaient moins de livres. Maintenant, c’est du passé et les gens aiment lire de nouveau. Les livres sur les méthodes pour devenir riche ont de nouveau et remplacé par des grands classiques.
Nous lisons des traductions du « Totem du loup », « Twilight » et suivons les films crées à partir des livres comme “le Seigneur des anneaux”, et “Harry Potter”.
Quelle est la place de la littérature française en Mongolie?
Marcel Proust “A la recherche du temps perdu », Jean-Paul Sartre "Mur", "La nausée" et les pièces de théâtre, Voltaire “Le monde comme il va”, Guy de Maupassant “Bel-Ami”, “Une vie”, D. Diderot “La Religieuse”, Jules Verne “Capitaine de 15 ans”, “ 20.000 lieues sous les mers ”, “Voyage au centre de la Terre ”, Victor Hugo “Notre-Dame de Paris”, “L’Homme qui rit”, Albert Camus “La Peste”, “L’Etranger”, Stendhal “Le rouge et le noir” seront certainement cités en premier. Il ne manquera pas non plus l’opéra Carmen de George Bizet, H. de Balzac, JJ Rousseau, Simone de Beauvoir, Dumas père et fils. Un étudiant mongol dirait que la France est le pays des écrivains classiques et un nid de talents.
J’ai entendu dire que plus de 300 œuvres d’auteurs français ont été traduites en mongol. En revanche, un étudiant mongol ne connait peut-être pas les auteurs français contemporains.
Quels livres mongols aimeriz-vous voir traduits en français?
La Mongolie a un grand patrimoine historique et culturel. Par exemple, j’aimerais que des livres sur les rites chamanistes soient publiés en France. Chinggis Khaan croyait au chamanisme. Il peut s’agir de livres expliquant les capacités ou la « magie » des chamanes.
Pouvez-vous nous parler de vos projets?
Je prépare l’édition de mes deux romans “Les yeux de corbeau”, “L’infortuné”. La traductrice R. Munkhzul et moi envisageons de faire connaitre ces livres en dehors du pays. Pour le moment, elle travaille sur la traduction de mon roman “Les yeux de corbeau”.
Auteurs de la littérature "adulte"
Gun-Aajav Ayurzana et Luvsandorj Ulziitugs
Gun-Aajav Ayurzana
Né en 1970 au centre provincial de la région de Bayankhongor.
1988-1994 : Institut des études littéraires M. Gorkii de Moscou, Russie.
2007 : programme littéraire de littérature internationale de l’Université d’Iowa, Etats-
Unis.
Recueil de poésie: “Pendant que le temps se repose”, “Les poèmes philosophiques ”, “Non Plus Ultra”, “ A Celui qui regarde dans mon esprit”
Narratif: “Blues d’un monde sans amour”, “Les ailes d’un oiseau mourant”, “La Légende du chamane”, "Shugden" (roman), Trilogie regroupant les trois romans “Les mirages”, “Les dettes des 10 rêves”, “Nés des échos”.
Série philosophique/fantaisiste en 10 tomes : “La bibliothèque des temps modernes”, “2х2=6 soit les soixante penseurs de génie”, “Les penseurs de génie des temps modernes”, “Zen-bouddhisme: Se détacher de la vie ” etc….
Rédaction d’une anthologie, grand patrimoine de la littérature mongole : "Florilège de
poésie Mongole", "Florilège des récits de Mongolie"
Traduction des anthologies “La poésie classique mondiale”, “Le florilège des nouvelles mondiales”.
Traduction des essais du philosophe français Michel de Montaigne sous le nom “Florilège des essais”,
Traduction du livre de meilleurs récits et de nouvelles de l’auteur américain William Faulkner sous le nom “Gens de jadis”.Traduction du recueil de nouvelles de l’auteur argentin Jorge Luis Borges sous le nom “Les deux rois et les deux labyrinthes” Traduction du récit de l’auteur français Jean-Paul Sartre “Les mots”,
Traduction du livre du poète américain contemporain Christopher Merrill “Marée haute et marée basse”.
Vous avez étudié en Mongolie mais aussi la littérature en Russie et aux Etats-Unis : quel est votre regard sur ces enseignements de la littérature?
1. –L’enseignement littéraire russe est toujours orienté vers le passé, notamment vers Eschyle, Cervantes, Dostoievski, Bulgakov. A l’institut Gorki, où j’étais étudiant, les cours de « littérature russe » et de « littérature étrangère » avaient le même rythme que celui de l’atelier de création, divisé par siècle. Ils donnent beaucoup d’importance à ces trois cours. Par exemple, la première année nous étudions la littérature antique et la dernière année la littérature moderne. Mais la littérature moderne est un sujet à débat en elle-même, pour cette raison, les examens des dernières années se basaient sur les classiques. C’était comme ça à mon époque, cela a dû certainement changer maintenant. En ce qui concerne l’Université d’Iowa, notamment pour les étudiants de Creative writing, l’atelier d’écriture est très important. Dans ce sens, la formation est vraiment efficace. Par exemple, on peut discuter pendant le cours sur un article ou poème, publié le mois précédent. Alors qu’en Russie, il est inimaginable qu’une création d’un auteur inconnu soit le sujet d’un cours. Ils attendent que l’auteur devienne célèbre.
Comment la littérature mongole est-elle vue hors de Mongolie?
2. –Très mal. Il sera plus proche de la vérité de dire que c’est inconnu.
Comment êtes-vous venu à l'écriture?
3. –Je n’ai pas eu d’autre choix. J’ai grandi avec des livres, dès le début, j’avais imaginé que je devais rester parmi les livres. Je n’ai pas imaginé pouvoir vivre autrement.
Ne pouvant vous lire en français, pouvez-vous nous parler de vos publications personnelles?
5. –Je n’ai pas de fil directeur, ou de sujet choisi irrévocablement. Si je dois absolument donner un sujet, je dirais que les sujets d’amour apparaissent dans tous mes livres. Par exemple, il y a un roman qui s’appelle « La légende du chamane » et qui m’a apporté pas mal de lecteurs. En lisant le titre, les gens pensent que le sujet est le chamanisme. Alors qu’en vérité c’est un roman sur l’amour, capable d’emporter quelqu’un dans un lieu inimaginable, même jusqu’au monde secret de l’esprit du chamane.
Vous avez traduit Faulkner, Montaigne, Sartre,... Quelles oeuvres, auteurs vous ont marqué?
6. –Montaigne est l’amour de ma vie. Il est le miracle lui-même. Faulkner est ma jalousie. J’ai traduit quelques-unes de ses œuvres, juste pour comprendre d’où venait cette force. Le meilleur moyen de comprendre les poèmes et les œuvres est de les traduire.
Quelles oeuvres aimeriez-vous voir traduites en Mongol?
7. –Oh, il y en a plusieurs. Mais les mauvais traducteurs « tuent » de supers œuvres. Il faudrait que les bons auteurs écrivent tous en mongol.
Quels sont les auteurs traduits appréciés en Mongolie?
8. –Je pense que c’est Gabriel Garcia Marquez. Il m’est arrivé de rencontrer des gens qui disaient avoir lu 3 fois ou même 15 fois le livre “Cent ans de solitude”.
Quelle place occupe la poésie en Mongolie?
9. Jusqu’à récemment, il n’y avait que la poésie dans la littérature mongole. Maintenant, le genre narratif commence à en représenter 10 % et le documentaire 5 %.
Quelles sont les difficultés de traduction pour la poésie en mongol?
10. –La plus grande difficulté est de trouver la vraie bonne poésie. Après, une fois que c’est trouvé, cela peut-être traduit dans n’importe quelle langue.
Lors de son passage en France, le poète russe Guennadi Aïgui m'a dit "regarde autour de toi, tout est poésie": la nature occupe une place importante en Mongolie, comment les auteurs appréhendent-ils l'évolution de ce paysage de plus en plus agressé?
11. – J’ai écrit quelque chose qui ressemble aux haikus « Un poème chaque fois je regarde par la fenêtre. Mais la difficulté est de l’écrire ». Est-ce que par hasard ce Aigui ne me ressemblerait-il pas ? Bien sûr que nous sommes touchés par la dégradation de la nature. Que ceux qui gagnent de l’argent là-dedans doivent être contents. Il est difficile d’appeler cette joie bestiale du bonheur. Un de nos poètes mongols écrivait “On ne peut pas écrire une nuit d’éclipse de lune, car les oiseaux mourraient en se cognant contre la fenêtre". Malheureusement, partout en Mongolie les oiseaux meurent en heurtant la fenêtre.
Comment avez-vous travaillé sur les différentes anthologies littéraires?
12. –Cela me fait peur d’y penser. En cherchant une quarantaine de bonnes œuvres (nouvelles) en mongol, j’ai dû en subir à peu près 2500 mauvaises. C’est de la vraie peine. L’anthologie de la poésie est relativement bonne. Parce que je connaissais par cœur la plupart des bons poèmes depuis que je suis petit.
Pouvez-vous nous parler de vos projets?
13. –J’ai publié mon nouveau roman il y a 20 jours. Cette année, je prévois de voyager pas mal pour avoir de la matière pour mon prochain roman. Pour ne pas me fatiguer pendant le voyage, je me prépare à l’avance en priant tous les soirs. La raison n’en est pas la foi, mais dans les exercices d’étirements qui sont bons pour le dos.
Luvsandorj Ulziitugs
Née dans la ville de Darkhan en 1972. Chercheur en études mongoles, journaliste. Mariée, trois enfants.
1994-1996: Journaliste au journal officiel "Ardiin Erkh"
1996-1999: Rédactrice responsable du magazine "Uchigdur"
1999-2014 : auteur libre.
Rédactrice d’environ 100 œuvres littéraires, culturelles artistiques/esthétique, de culture générale, dont 50 tomes de « La littérature classique mondiale », édités sur commande du président de la Mongolie. Rédactrice générale de la série "La bibliothèque des temps modernes".
6 livres de poésie : "Les arbres qui poussent dans le ciel", "Les exercices de la solitude", "Dans la chambre imaginaire" etc. Narratif: "Horizons d’une vie" (essai), "Les images restées sur les lunettes", "Les histoires citadines" (nouvelles).
Rédaction en coopération avec l’auteur G. Ayurzana, des trois anthologies de la littérature mongole de tous les temps : "Florilège de la poésie Mongole", Florilège des récits de Mongolie", "Florilège des nouvelles de Mongolie".
Ses poèmes et ses nouvelles ont été publiés dans des journaux et des magazines littéraires en Chine, au Japon, en Corée, aux Etats-Unis, en Hongrie, en Pologne, en Russie, au Vietnam.
Son recueil de poésie a été publié en Corée (2007).
Vous avez fait un travail important sur la littérature classique mondiale : comment avez-vous travaillé pour réaliser cette somme de connaissances?
1. -“Les 50 tomes de la littérature classique mondiale” sont le travail de toute une équipe. Beaucoup de personnes hautement qualifiées telles que des auteurs, des chercheurs en littérature etdes traducteurs renommés faisant partie de l’équipe ont travaillé à la réalisation de ce projet, financé par le gouvernement. Grâce à ce travail, toutes les bibliothèques de Mongolie, y compris celles des écoles d’enseignement secondaire et supérieur ont reçu gratuitement les 50 tomes.Avec l’auteur G. Ayurzana, nous étions tous deux rédacteurs responsables de cette série. Je n’ai pas envie de dire que ma participation fut grande, mais je suis reconnaissante que l’on m’ait confié ce travail de réalisatrice responsable.
Quelle place occupe la littérature française?
2. Nous, les auteurs mongols, pensons tous que la France occupe une place merveilleusement élevée. Il n’est de toute façon pas possible d’imaginer la littérature mondiale sans la littérature française. Plus précisément, l’art mondial sans le théâtre français, le cinéma français et les beaux-arts français ressemblerait à une guitare avec une corde en moins. La langue française fait aussi partie du grand patrimoine mondial. En ce qui me concerne, j’ai eu accès à l’art français à travers les beaux-arts. Les peintres impressionnistes, et notamment les peintures de Monet m’ont fait aimer les beaux-arts. On ne peut pas imaginer la littérature mondiale, par exemple, sans Voltaire. Au lycée, en premier, j’avais lu et admiré les livres “Le monde comme il va”, “Candide”. Quand je les ai relus 20 ans après, je les ai admirés encore plus. Voltaire reste un de mes auteurs préférés. Il me semble parfois que tous les auteurs de monde entier doivent quelque chose à la France pour avoir fait naitre Voltaire.
S'il n'y avait pas la barrière de la langue, quels conseils donneriez-vous à un lecteur français (non érudit) souhaitant découvrir la littérature mongole?
3. Nous avons une civilisation nomade. La particularité de cette civilisation est que le grand patrimoine littéraire des nomades ne se transmet pas aux générations suivantes par l’écriture, mais oralement. Par exemple, l’esprit de notre littérature se fond dans les chansons folkloriques. Pour cette raison, il faudrait d’abord écouter et comprendre nos chansons folkloriques longues, pour saisir l’esprit de la poésie mongole.
Comment êtes-vous venue à l'écriture?
4. Dans ma vie antérieure, j’étais un auteur très paresseux.JDonc, il me fallait rattraper ce retard dans cette vie.
Ne pouvant vous lire en français, quels sont les thèmes que vous abordez dans vos récits?
5. Je ne suis pas limitée par un sujet défini. J’essaie d’écrire sur tous les sujets qui me touchent, m’émeuvent et me bouleversent.
Pouvez-vous nous parler du magazine "Uchigdur"?
6.Depuis la victoire de la révolution démocratique de 1990 en Mongolie, la presse s’est libérée. A cette époque de naissance des magazines privés, nous avons créé, avec mon mari, notre propre magazine, et avons travaillé avec succès pendant plusieurs années. Tous les magazines privés de l’époque ont été considérés comme de « la presse jaune ». C’est vrai que la plupart en faisaient partie. Mais nous avons tenu notre magazine à l’écart de la presse jaune, en éditant essentiellement des sujets d’art, de littérature, de philosophie, et de culture générale. Pendant cette période, les responsables de ces magazines avaient pour objectif de gagner de l’argent, alors que nous étions, on peut le dire, presque les premiers à éditer un magazine de ce genre. Notre magazine « Uchigdur » (« Hier ») a eu du succès en très peu de temps auprès de ses lecteurs, ce qui nous donnait beaucoup de motivation. Nous étions jeunes et courageux, le succès a été le fruit de notre courage, et non de la crainte de ne pas réussir. Personnellement, je pense que tout ce qui est fait dans le but de gagner de l’argent n’est pas de bonne qualité. Alors que la sincérité et le travail honnêtesont toujours récompensés en retour. Dans notre magazine, nous n’écrivions pas sur les petits événements du quotidien, mais sur des gens qui vivaient hier parmi nous, qui ont déjà été oubliés, mais qui ont beaucoup créé. Les acteurs, les artistes, les auteurs oubliés, les histoires et les légendes oubliées etc… Nous traduisions également des informations et des sujets intéressants issus de la presse étrangère et nous présentions les œuvres d’auteurs, de philosophes qui n’avaient pas été publiées en mongol. C’est bien qu’il y ait eu, même en petit nombre, des lecteurs qui appréciaient notre magazine parmi les vagues d’informations inutiles, pleines d’histoires « de lits et de couettes » des stars.
Et de "La bibliothèque des temps modernes"?
7. Le métier de journaliste m’éloignait beaucoup de la littérature. Pour cette raison, avec mon mari, nous avons transmis le magazine à d’autres, après l’avoir remis sur pieds et sommes revenus à la littérature. C’est à ce moment que nous avons créé cette série et nous avons aussi reçu des remerciements de nombreux lecteurs. Cette série a été dédié aux jeunes de cette époque qui, par le passage de l’idéologie du socialisme vers une société complètement différente, par la perte de toutes les anciennes croyances, avaient perdu le fil directeur de leurs idées, de l’espoir et de la vie, et qu’on pouvait qualifier de « perdus ». Plus précisément, on peut dire que cette série a été créée à partir du courage et des rêves romantiques de notre jeunesse. Cette série a comporté exactement 10 livres, dont un tome est consacré aux meilleurs essais de Montaigne, traduits du russe, et qui est devenu le livre favori des lecteurs. Il y a deux tomes qui présentent aux lecteurs mongols les philosophes classiques et les philosophes de 20ème siècle, car il nous était interdit de lire tout cela à l’époque du socialisme. Il y a aussi un autre tome de recueil de nouvelles des meilleurs auteurs mondiaux. Ces livres ont des couvertures de couleur noire, et les lecteurs les ont baptisés de « Livres noirs ». Toutes les traductions ont été faites par mon mari, l’auteur G. Ayurzana, dont j’étais la rédactrice.
Selon vous, comment évolue la littérature mongole au XXIème siècle?
8. En grande évolution. Mais ça nécessite un certain de temps pour comblerce retard de 70 ans dans une société socialiste “fermée”, et pour rattraper le niveau mondial.
Quels sont les auteurs (autres que mongols) qui vous ont marqué?
9. Puisque je discute avec un français, j’aimerais citer Voltaire en premier. Je rêve de pouvoir écrire de tels livres: avec des idées puissantes, avec une ironie étonnante, des histoires intéressantes, des rôles vivants, un style pointu. Le monde entier est inondé de diverses informations, de nouveaux arts ; les livres se multiplient par milliers chaque jour, mais des écrivains comme Voltaire ne naissent pas souvent. Il occupe dans mon esprit et mon cœur une place aussi vaste que Montaigne. Petite, j’aimais lire « Notre Dame de Paris ». Les enfants mongols de ma jeunesse lisaient beaucoup. Je ne pense pas qu’il y ait d’enfants de ma génération qui n’aient pas lu « Notre Dame de Paris ». Grâce aux russes, grands admirateurs de l’art français, et par la langue russe, nous avons eu cette chance de suffisamment connaitre la littérature française même à l’époque du socialisme.
Vous avez été traduite dans plusieurs pays ; quels retours en avez-vous : sont-ils très différents selon les pays?
10. J’ai eu seulement des retours de lecteurs coréens. Ils étaient pour la plupart des poètes, et donnent leur évaluation professionnelle. Après que mes poèmes aient été publiés en japonais, il y a eu un petit article de journal sur moi, et j’ai reçu une carte postale d’une lectrice japonaise. Je n’ai pas compris ce qui était écrit. Dans l’enveloppe, il y avait un très joli foulard en soie en cadeau. Je me suis dit : « mes poèmes ont dû lui plaire ».
Quelles ont été les difficultés pour traduire votre poésie?
11. Une coréenne ayant vécu une dizaine d’années en Mongolie a traduit mes poèmes.Elle connaissait bien le mongol, mais n’avait pas d’expérience de traduction de poèmes. Ce fut le premier livre de poésie qui a été traduit du mongol en coréen. Mais elle a expliqué ensuite que ce n’était pas très difficile à traduire, car c’était proche de son cœur. Peut-être qu’étant des femmes, nous avions un monde intérieur proche.
Pouvez-vous nous parler de vos projets?
12. La particularité des Mongols, c’est que nous ne préparons pas et ne planifions pas les choses à l’ avance. Si je suis prise par une envie soudaine d’écrire, je suis capable de commencer un nouveau livre même demain. Par contre, une fois lancée, je ne me relève du bureau qu’après avoir terminé. En revanche, si je n’ai pas envie d’écrire, cela peut durer quelques années. J